Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

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L'agroécologie peut-elle contribuer à satisfaire nos besoins en protéines d’ici 2050 ?

Compte tenu de la demande mondiale en protéines prévue à l’horizon 2050, une transition de notre modèle agricole actuel est nécessaire. Avec un modèle respectueux de l’environnement et des contraintes sociales et économiques, l’agroécologie propose des logiques de production alternatives permettant de répondre à cette demande. Pour répondre aux besoins en protéines, l'élevage est un domaine où les principes agroécologiques et le terme d'intensification durable, davantage accepté par l'industrie, se chevauchent dans certains domaines. De multiples définitions de l'intensification durable ont été proposées, mais nombre d'entre elles mettent l'accent sur l'augmentation de la productivité des terres déjà cultivées tout en réduisant la dégradation de l'environnement et en préservant les habitats naturels de l'expansion agricole. La mise en œuvre de pratiques agroécologiques en élevage permettrait une production de protéines animales à hauteur de 11 à 23 g/personne/jour. Les scénarios relevant des pratiques agroécologiques documentés dans la littérature scientifique envisagent une alimentation animale à base de fourrages (notamment au pâturage) et de sous-produits ; aucun scénario ne considère une alimentation à base de cultures destinées à l’Homme et donc directement en concurrence avec l’alimentation humaine. Les pratiques agroécologiques sont déjà mises en œuvre par les petits exploitants dans le monde entier, mais il existe des freins à l'extension et à la généralisation de ces pratiques, qui nécessitent une modification du cadre politique afin de valoriser et de transférer les connaissances de ces acteurs de l’agroécologie et d'accroître leur accès aux ressources publiques telles que les infrastructures. Étant donné qu'à l'heure actuelle, l'agro-industrie à grande échelle et les petits exploitants produisent suffisamment pour potentiellement nourrir la population mondiale, une stratégie incluant ces deux groupes d’acteurs pourrait être privilégiée. Sous réserve d’associer les décideurs politiques, et de manière plus générale la société civile à ces évolutions, la combinaison de la diffusion des pratiques agroécologiques utilisées par les petits exploitants d’une part et de la transition de l'agriculture intensive vers un modèle agroécologique en utilisant l'intensification durable comme passerelle d’autre part, pourrait contribuer à garantir la satisfaction des besoins en protéines en 2050, à l’échelle mondiale.

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Edito

La science pour sortir de la crise

L’épidémie de dermatose nodulaire bovine (DNC) est venue aggraver ces dernières semaines la crise profonde traversée par la filière bovine française, marquée par une baisse régulière des cheptels et des abattages depuis dix ans. Quelques jours avant le lancement par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard d’une série de conférences sur la souveraineté alimentaire de la France visant à dégager une "stratégie agricole" sur 10 ans, l’ensemble des familles de l’interprofession bovine et ovine ont présenté dix mesures "prioritaires et urgentes" pour freiner la baisse du cheptel de ruminants français et préserver la souveraineté et l’indépendance alimentaire de la France. Parmi les orientations préconisées, figurent des mesures économiques comme le refus d’accords de libre-échanges "inéquitables", le renforcement des soutiens aux filières ruminants, "notamment les aides de la PAC" ou encore le renforcement de la présence de la viande française en restauration collective ; d’autres sont plus techniques et réglementaires comme la dématérialisation des documents d’identification, la définition d’un affichage environnemental des produits alimentaires "juste et cohérent" ou la reconnaissance de la place de la viande "dans l’équilibre alimentaire".
Dans ce débat crucial engagé par les professionnels avec les pouvoirs publics et l’opinion sur la place de l’élevage et de la viande bovine français au sein de la société, la science et la recherche ont bien évidemment leur mot à dire. C’est ce que montrent les quatre articles proposés dans ce numéro spécial de Viandes&Produits Carnés, tous issus d’interventions prononcées lors des matinales de la Recherche d’Interbev en mars dernier.
Une étude menée par Ceresco pour l’interprofession, basée sur les projections de l’Institut de l’Élevage et dont nous publions une synthèse, permet ainsi de mesurer l’enjeu économique et social sous-jacent à la crise actuelle. La contraction de l’offre annoncée à l’horizon 2030 menacerait ainsi 37 000 emplois directs et indirects, principalement dans les zones rurales (Massif Central, Ouest) et entrainerait -entre autres désagréments- une perte de biodiversité considérable.
Deux autres articles proposés ici éclairent également d’un jour nouveau la question controversée de l’impact de l’élevage et de la production de viande sur l’environnement, mais aussi sur ses contributions. Le premier souligne que la méthode d’analyse du cycle de vie (ACV), la plus fréquemment utilisée dans ce domaine, "peut masquer les effets bénéfiques des systèmes de production, et notamment ceux des systèmes ruminants les plus herbagers", à la différence de la méthode d’’évaluation des services écosystémique (SE). Le second article évoque, pour sa part, les perspectives offertes par les travaux du programme Méthane 2030 en matière de réduction des émissions de GES en élevage et donc de leur empreinte carbone.
Enfin, un dernier article, s’appuyant sur des mesures de digestibilité in vivo, apporte une contribution importante à la question, elle-aussi très débattue, de la place de la viande au sein des régimes alimentaires. Les données qui ont été acquises sur la biodisponibilité des nutriments de repas avec ou sans viande a ainsi permis de mettre en évidence l’intérêt des produits carnés dans la couverture des besoins nutritionnels en fonction de la typologie des repas.
Il est donc important dans ces périodes de crise de s’appuyer sur la science pour analyser objectivement et complètement les différents arguments avancés par les uns et les autres. La science doit non seulement être rigoureuse mais aussi transparente et collaborative. A cet égard, l’Association Française de Zootechnie vous invite le 6 janvier à un webinaire intitulé "Collaborations internationales de la France en sciences animales". Inscription sur ce lien
L’équipe de Viandes&Produits Carnés vous souhaite donc une bonne lecture et, par avance, de bonnes fêtes de fin d’année.

Jean-François HOCQUETTE et Bruno CARLHIAN