Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

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Comparaison de deux méthodes d’évaluation de l’empreinte sol

Les surfaces agricoles utilisées pour produire notre alimentation sont des ressources limitées et à préserver tant en quantité qu’en qualité. Des études française ADEME (Barbier et al., 2020a, 2020b) et australienne (Ridoutt et al., 2020 ; Ridoutt et Garcia 2020) ont développé des méthodes d’évaluation de l’empreinte sol pour les différents types de productions agricoles, animales et végétales, permettant d’en déduire l’empreinte de régimes alimentaires types, français et australiens. Ces deux études apportent deux images contrastées concernant l’empreinte sol des différents types de viandes. Dans cet article, nous avons cherché à comprendre et à analyser l’origine des différences. L’étude de l’ADEME traite sans différenciation les terres agricoles ; elle fait ressortir les viandes bovine et ovine, issues d’animaux capables de digérer l’herbe et donc en grande partie de systèmes herbagers, avec l’empreinte sol la plus importante. A l’inverse, les études australiennes prennent en compte les surfaces agricoles en fonction de leur rendement potentiel en céréales ; elles ne prennent pas en compte les prairies permanentes considérée comme n’étant pas en concurrence avec l’alimentation humaine et, ainsi, font ressortir les viandes monogastriques (porc, volaille) comme les plus impactantes. La méthode de Ridoutt conduit par conséquent à une empreinte sol relativement limitée de l’élevage herbager lié à la consommation d’herbe, et plus largement des viandes de ruminants par rapport aux viandes issues d’élevage de monogastriques consommateurs de céréales et donc de terres arables. Au niveau de l’étude des régimes alimentaires des Français ou des Australiens, ces différences méthodologiques entrainent de gros écarts dans la part d’empreinte due à la viande, tous types confondus : elle est trois fois moindre dans le cas des études australiennes, à consommation identique de viande. Dans l’objectif de valoriser les surfaces de pâturages qui fournissent de nombreux services écosystémiques pour les territoires, nous recommandons donc l’utilisation de la méthodologie de Ridoutt pour le calcul de l’empreinte sol de la production agricole.

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Edito

A point nommé

La publication dans cette lettre d’information de "l’appel à action de Denver" et d’un article expliquant la genèse de cette mobilisation de chercheurs du monde entier (1) en faveur d’un débat public rationnel et étayé scientifiquement sur l’élevage et la viande tombe à point nommé. Une émission télévisée toute récente (2) illustre à quel point le traitement de ces questions semble vouloir régulièrement sortir de ce cadre pour y être porté sur un terrain émotionnel et moral, mais surtout idéologique. A son corps défendant, l’élevage et la viande se retrouvent ainsi attirés, comme dans un guet-apens, dans un affrontement fantasmé entre animal et végétal. L’essentiel du documentaire a ainsi été consacré à discréditer une partie des acteurs du débat, affublés des arrière-pensées les plus sombres. Au bout d’une heure trente, qu’est-ce que le téléspectateur aura retenu? Pratiquement rien, en dehors de ces supposés noirs desseins des filières, puisque l’émission réussit la performance de n’aborder aucun des sujets sur le fond. Le citoyen n’aura ainsi rien appris sur la consommation de viande en particulier de viande rouge (inférieure en moyenne en France aux recommandations nutritionnelles). Il ne saura rien des méthodes d’élevage en cours en France en comparaison de celles du reste du monde (il y aurait pourtant tant à dire). Il ne connaitra pas plus non plus les contributions et efforts du secteur élevage-viande en matière d’atténuation climatique. Alors oui, les signataires de l’appel de Denver ont raison de se mobiliser pour une politique guidée par le souci d'une alimentation équilibrée et de vouloir en finir "avec le discrédit généralisé de la viande, des produits laitiers et des œufs pour en revenir à des recommandations alimentaires pleinement fondées sur des preuves scientifiques, économiquement et culturellement appropriées". Ces chercheurs ont aussi raison d’attirer l’attention sur la prise en compte de la reconnaissance de la complexité des systèmes d'élevage et de l'écologie ou de rappeler que le rôle des scientifiques est de se confronter les uns aux autres "en appliquant des méthodes scientifiques rigoureuses, dans le respect mutuel et avec ouverture d’esprit". Non, la viande n’est ni de gauche ni de droite, ni masculine ni féminine, ni malfaisante ni miraculeuse. Elle participe à l’équilibre alimentaire de milliards d’hommes et mérite mieux que d’être ainsi l’otage de combats politiques complaisamment mis en scène.

Bruno CARLHIAN et Jean-François HOCQUETTE

(1) https://www.dublin-declaration.org/fr/
(2) https://www.france.tv/france-2/complement-d-enquete/7205066-la-guerre-de-l-info-touche-pas-a-mon-steak.html