Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

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Résumés - Environnement

L’élevage des races locales à petits ou très petits effectifs suscite aujourd’hui un regain d’intérêt car il s’accorde avec les enjeux de l’agroécologie et rencontre les aspirations des consommateurs. Cet article s’intéresse à la race bovine Maraîchine destinée aujourd’hui à la production de viande. Dans le cadre d’un projet de recherche-action, les chercheurs ont construit un protocole avec les éleveurs pour évaluer la qualité nutritionnelle et sensorielle de leur viande bovine. Après avoir présenté le contexte de l’élevage de vaches Maraîchine, l’article présente le dispositif expérimental et les résultats obtenus. Dix bœufs finis à l’herbe et 8 bœufs finis aux concentrés issus de 7 exploitations ont été recrutés. Les analyses ont été faites sur la bavette de flanchet et ont porté sur les caractéristiques biochimiques et métaboliques du muscle, les qualités sensorielles et les propriétés rhéologiques, les teneurs en lipides intramusculaires et leur composition en acides gras, et enfin, sur le potentiel antioxydant des viandes. La bavette de flanchet est en moyenne, par rapport aux autres races à viande, plus riche en acides gras polyinsaturés et moins riche en acides gras saturés. Le régime de finition à l’herbe conduit à des viandes plus maigres avec une meilleure valeur santé. Les défenses antioxydantes sont très élevées et la finition à l’herbe renforce surtout les défenses antioxydantes exogènes. Concernant les qualités sensorielles et rhéologiques, la finition à l’herbe n’impacte pas la couleur de la viande mais aboutit à une viande moins tendre malgré une augmentation de la jutosité.

La "Déclaration de Dublin" a été initiée par les membres du Comité qui ont organisé le "Sommet international sur le rôle de la viande dans la société - Ce que dit la Science" qui a lieu dans les locaux du Teagasc, organisme de recherche irlandais pour le développement de l'agriculture et de l'alimentation, les 19 et 20 octobre 2022 à Dublin. L’élevage et la production de viande contribuent à la santé et au bien-être des animaux et des hommes, maintiennent les équilibres écologiques et garantissent les moyens de subsistance socio-économiques, affirme notamment cette déclaration, signée par environ 220 scientifiques du monde entier à la date du 27 octobre 2022.

La consommation de viandes rouges (bœuf, mouton, porc) fait l’objet de critiques récurrentes. Cependant, si elle augmente les risques de cancers chez les très gros mangeurs, les bénéfices nutritionnels de son incorporation dans la diète hebdomadaire sont nombreux : apports de protéines de très bonne qualité, de fer assimilable et de vitamine B12. La consommation d’eau prélevée dans les ressources aquatiques (600 litres par kilo de bifteck) est loin d’atteindre les 15 000 litres souvent avancés, valeur qui intègre l’eau de pluie. Il est inexact d’affirmer que l’élevage des bovins conduit à un gaspillage « inacceptable » de protéines végétales : en France, il produit parfois plus de protéines consommables par les hommes qu’il n’en consomme. En participant à la conservation des prairies qu’ils transforment en viande et en lait, les bovins et les ovins contribuent à la biodiversité, à la fixation du carbone dans les sols, à la recharge des nappes phréatiques avec une eau de bonne qualité et à l’aménagement du territoire. Il est néanmoins une critique qu’il faut faire à l’élevage : il contribue fortement à l’émission de gaz à effet de serre. Les généticiens, les spécialistes de l’alimentation animale et plus globalement les éleveurs doivent unir leurs efforts pour réduire cet impact. Enfin, le bien-être des animaux doit être garanti. Sinon, les consommateurs pourraient se tourner vers des aliments à plus faible impact climatique : légumes secs, hachis et galettes végétales, voire des viandes de culture.

Les surfaces agricoles utilisées pour produire notre alimentation sont des ressources limitées et à préserver tant en quantité qu’en qualité. Des études française ADEME (Barbier et al., 2020a, 2020b) et australienne (Ridoutt et al., 2020 ; Ridoutt et Garcia 2020) ont développé des méthodes d’évaluation de l’empreinte sol pour les différents types de productions agricoles, animales et végétales, permettant d’en déduire l’empreinte de régimes alimentaires types, français et australiens. Ces deux études apportent deux images contrastées concernant l’empreinte sol des différents types de viandes. Dans cet article, nous avons cherché à comprendre et à analyser l’origine des différences. L’étude de l’ADEME traite sans différenciation les terres agricoles ; elle fait ressortir les viandes bovine et ovine, issues d’animaux capables de digérer l’herbe et donc en grande partie de systèmes herbagers, avec l’empreinte sol la plus importante. A l’inverse, les études australiennes prennent en compte les surfaces agricoles en fonction de leur rendement potentiel en céréales ; elles ne prennent pas en compte les prairies permanentes considérée comme n’étant pas en concurrence avec l’alimentation humaine et, ainsi, font ressortir les viandes monogastriques (porc, volaille) comme les plus impactantes. La méthode de Ridoutt conduit par conséquent à une empreinte sol relativement limitée de l’élevage herbager lié à la consommation d’herbe, et plus largement des viandes de ruminants par rapport aux viandes issues d’élevage de monogastriques consommateurs de céréales et donc de terres arables. Au niveau de l’étude des régimes alimentaires des Français ou des Australiens, ces différences méthodologiques entrainent de gros écarts dans la part d’empreinte due à la viande, tous types confondus : elle est trois fois moindre dans le cas des études australiennes, à consommation identique de viande. Dans l’objectif de valoriser les surfaces de pâturages qui fournissent de nombreux services écosystémiques pour les territoires, nous recommandons donc l’utilisation de la méthodologie de Ridoutt pour le calcul de l’empreinte sol de la production agricole.

Le but de cette étude est de donner une image plus complète de l’impact environnemental de différentes habitudes alimentaires dans divers pays européens (Chypre, Estonie, Finlande, Portugal, Slovénie). Utilisant l’analyse du cycle de vie, les résultats montrent que, pour les cinq pays, l’impact environnemental total est le résultat de la quantité de consommation d’un produit spécifique combinée à l’intensité de cet impact. En particulier, les produits issus de l’élevage (viandes, œufs, produits laitiers) entraînent des conséquences sur toutes les catégories d’impacts. A l’inverse, les phases de transport et de commercialisation ne contribuent que très peu au dommage total. En plus des pratiques agricoles et du niveau de consommation des produits alimentaires, l’impact est considérablement influencé par le type d’aliments consommés, soulignant ainsi l’importance de nos choix alimentaires.

Si l’élevage contribue fortement au changement climatique, celui-ci a également des impacts négatifs directs et indirects sur l’élevage. L’agroécologie représente une voie pour aider l’élevage européen à relever les défis posés par le changement climatique, en réduisant son empreinte écologique et en rendant les exploitations à la fois plus autonomes et moins vulnérables aux aléas. Pour ce faire, il serait pertinent de développer et d’utiliser la diversité animale au sein des fermes et des territoires, de valoriser les services rendus par l’élevage et de mieux répartir le bétail selon les ressources localement disponibles. Ces trois points prennent tout leur sens dans la reconnexion des activités d’élevage avec l’environnement physique et avec les cultures. Pour accompagner la transition agro-écologique, il est nécessaire de faire évoluer les compétences des éleveurs, changer les approches déployées dans l’enseignement et le conseil et modifier les politiques agricoles et territoriales. Ces dynamiques sont d’ores et déjà à l’œuvre et devront être poursuivies, en intégrant les dimensions économiques, socio-politiques et institutionnelles non développées ici.

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Edito

La science pour sortir de la crise

L’épidémie de dermatose nodulaire bovine (DNC) est venue aggraver ces dernières semaines la crise profonde traversée par la filière bovine française, marquée par une baisse régulière des cheptels et des abattages depuis dix ans. Quelques jours avant le lancement par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard d’une série de conférences sur la souveraineté alimentaire de la France visant à dégager une "stratégie agricole" sur 10 ans, l’ensemble des familles de l’interprofession bovine et ovine ont présenté dix mesures "prioritaires et urgentes" pour freiner la baisse du cheptel de ruminants français et préserver la souveraineté et l’indépendance alimentaire de la France. Parmi les orientations préconisées, figurent des mesures économiques comme le refus d’accords de libre-échanges "inéquitables", le renforcement des soutiens aux filières ruminants, "notamment les aides de la PAC" ou encore le renforcement de la présence de la viande française en restauration collective ; d’autres sont plus techniques et réglementaires comme la dématérialisation des documents d’identification, la définition d’un affichage environnemental des produits alimentaires "juste et cohérent" ou la reconnaissance de la place de la viande "dans l’équilibre alimentaire".
Dans ce débat crucial engagé par les professionnels avec les pouvoirs publics et l’opinion sur la place de l’élevage et de la viande bovine français au sein de la société, la science et la recherche ont bien évidemment leur mot à dire. C’est ce que montrent les quatre articles proposés dans ce numéro spécial de Viandes&Produits Carnés, tous issus d’interventions prononcées lors des matinales de la Recherche d’Interbev en mars dernier.
Une étude menée par Ceresco pour l’interprofession, basée sur les projections de l’Institut de l’Élevage et dont nous publions une synthèse, permet ainsi de mesurer l’enjeu économique et social sous-jacent à la crise actuelle. La contraction de l’offre annoncée à l’horizon 2030 menacerait ainsi 37 000 emplois directs et indirects, principalement dans les zones rurales (Massif Central, Ouest) et entrainerait -entre autres désagréments- une perte de biodiversité considérable.
Deux autres articles proposés ici éclairent également d’un jour nouveau la question controversée de l’impact de l’élevage et de la production de viande sur l’environnement, mais aussi sur ses contributions. Le premier souligne que la méthode d’analyse du cycle de vie (ACV), la plus fréquemment utilisée dans ce domaine, "peut masquer les effets bénéfiques des systèmes de production, et notamment ceux des systèmes ruminants les plus herbagers", à la différence de la méthode d’’évaluation des services écosystémique (SE). Le second article évoque, pour sa part, les perspectives offertes par les travaux du programme Méthane 2030 en matière de réduction des émissions de GES en élevage et donc de leur empreinte carbone.
Enfin, un dernier article, s’appuyant sur des mesures de digestibilité in vivo, apporte une contribution importante à la question, elle-aussi très débattue, de la place de la viande au sein des régimes alimentaires. Les données qui ont été acquises sur la biodisponibilité des nutriments de repas avec ou sans viande a ainsi permis de mettre en évidence l’intérêt des produits carnés dans la couverture des besoins nutritionnels en fonction de la typologie des repas.
Il est donc important dans ces périodes de crise de s’appuyer sur la science pour analyser objectivement et complètement les différents arguments avancés par les uns et les autres. La science doit non seulement être rigoureuse mais aussi transparente et collaborative. A cet égard, l’Association Française de Zootechnie vous invite le 6 janvier à un webinaire intitulé "Collaborations internationales de la France en sciences animales". Inscription sur ce lien
L’équipe de Viandes&Produits Carnés vous souhaite donc une bonne lecture et, par avance, de bonnes fêtes de fin d’année.

Jean-François HOCQUETTE et Bruno CARLHIAN