Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

Compétitivité de cinq filières porcines européennes en 2022 (1ère partie)

 
Comparaison de compétitivité des filières porcines de cinq des principaux producteurs de l’Union européenne

En 2022, les écarts de compétitivité entre les cinq pays européens suivis depuis 2011 par l’Ifip (France, Allemagne, Danemark, Espagne et Pays-Bas) se sont resserrés.


INTRODUCTION

L’année 2022 a été marquée par la guerre en Ukraine, déclenchée par l’agression russe en février. Les cours des céréales et oléagineux, déjà élevés en raison de la reprise économique post covid-19, ont connu des records sur les marchés (Kornher et al., 2024).

En effet, la Russie et l’Ukraine sont les principaux exportateurs mondiaux de blé. L’Ukraine, pays producteur de maïs et tournesol, est également un grand fournisseur de maïs grain et de tourteaux de tournesol sur la scène internationale. L’alimentation des porcs est devenue plus coûteuse alors qu’elle constitue le premier poste de charges des élevages. Les prix records des porcs pèsent sur les trésoreries des entreprises à l’aval de la filière. De plus, l’Union européenne (UE) a connu une crise énergétique exceptionnelle du fait de sa dépendance au gaz russe (Grekou et al., 2022) : la Russie a considérablement réduit ses approvisionnements en réponse aux sanctions économiques d’une partie de la communauté internationale et de l’UE. Les pays membres de l’UE se sont tournés vers d’autres fournisseurs et ont acheté en masse en prévision d’une pénurie. En conséquence, les prix du gaz et de l’énergie ont explosé, se répercutant ainsi sur l’ensemble des économies européennes. La filière porcine a particulièrement été touchée par cette crise énergétique. Les envolées des prix de l’énergie et des matières premières ont alimenté une inflation générale. Le pouvoir d’achat des consommateurs en a été impacté. Ces derniers se sont restreints dans leurs achats de manière générale, mais aussi sur la viande de porc. Afin d’endiguer cette inflation, la Banque centrale européenne (BCE) a relevé ses taux directeurs, engendrant un coût de financement plus élevé pour les ménages et les entreprises. En Chine, le cheptel porcin a poursuivi sa reconstitution après l’épisode de fièvre porcine africaine (FPA), engendrant un nouveau recul des exportations de viande de porc de l’UE. L’amoindrissement du débouché chinois a affecté l’activité des filières porcines européennes, particulièrement les exportatrices (Ifip, 2023).
Le marché mondial de la viande porcine est mondialisé et de plus en plus compétitif. C'est pourquoi cette analyse économique aborde la question de la compétitivité de la filière porcine française de manière globale, la confrontant aux filières porcines de pays concurrents. Partie intégrante de l’observatoire permanent de "veille internationale de compétitivité des filières porcines", cet outil est un indicateur dynamique, qui permet de diagnostiquer des forces et faiblesses de la filière française par rapport à ses principaux concurrents européens. Il évolue dans le temps, en s’adaptant à l’amélioration des connaissances et aux changements majeurs des filières.

Depuis 2011, l’Ifip conduit à l’intention d’INAPORC un observatoire de la compétitivité des filières porcines des cinq principaux producteurs de l’Union européenne : France, Allemagne, Danemark, Espagne et Pays-Bas (Le Clerc et al., 2024). Cette édition portant sur les résultats de 2022 est financée par INAPORC. Cet observatoire s’appuie sur la collecte de données statistiques et d’entreprises et couvre de nombreux aspects de la compétitivité des filières porcines, de l’alimentation animale jusqu’à la consommation. Un indicateur synthétique de la compétitivité des filières porcines est calculé pour chacun des cinq pays, réparties en 8 thèmes : macroéconomie, alimentation animale, performances des élevages, dynamique de la production, performances des entreprises de l’aval, commerce internationale, dynamique de la consommation et l’organisation des filières. Chaque variable est convertie en un score utilisé pour établir un indicateur synthétique et une hiérarchie de la compétitivité des filières porcines des cinq pays. Le thème « organisation des filières » analyse de manière qualitative l’organisation de la filière des pays étudiés. A partir de l’édition 2020, une refonte des indicateurs s’est opérée, apportant quelques évolutions par rapport aux éditions précédentes. Les indicateurs sont décrits dans le tableau suivant intitulé "Variables de l’indicateur de compétitivité des filières porcines" (Tableau I).

Tableau 1 : Variables de l’indicateur de compétitivité des filières porcines
Source : Ifip. En bleu, indicateurs quantitatifs utilisés dans le scoring

I. OBSERVATOIRE DE LA COMPETITIVITE 2022

I. 1. THEME 1 : MACROECONOMIE

Ce thème évalue les conditions macroéconomiques dans lesquelles évoluent les filières porcines. Il est constitué de quatre groupes d’indicateurs. Le premier regroupe des indicateurs démographiques tels que la population, sa croissance, sa densité, ainsi que la pyramide des âges. Ils permettent de caractériser le marché interne et le potentiel de la demande. La densité de population est un facteur de croissance économique indiquant une population plus urbaine, une concentration des consommateurs sur une échelle géographique réduite, une main d'œuvre abondante dans une aire plus restreinte et est caractéristique des pays ayant une forte industrialisation. Le second englobe des indicateurs d’économie générale, tels que la croissance du PIB, le PIB par habitant, l’inflation, le niveau de dette publique, la part des dépenses publiques et la balance commerciale. Ils permettent de juger la santé économique du pays. Des dépenses publiques élevées sont associées à de meilleures infrastructures et conditions pour développer une activité économique. Le troisième réunit des indicateurs en lien avec le marché du travail, tels que le taux de chômage, le coût du travail, la productivité des salariés, le nombre moyen d’heures de travail par semaine des salariés, les inégalités de revenu et la part de la population avec un diplôme dessous du secondaire. Ils permettent d’évaluer la force de travail dont un pays dispose pour produire. Enfin, le dernier groupe d’indicateurs concerne la gouvernance et les infrastructures telles que la corruption, les performances logistiques, le climat économique perçu par les entreprises et la réglementation des marchés. Il permet d’évaluer la capacité des institutions à établir des réglementations et des infrastructures favorables au développement des activités économiques. L’indicateur sur le climat économique mesure la perception des chefs d'entreprise sur l’environnement des affaires de leur pays.
Les économies européennes ont été particulièrement touchées par l’inflation en 2022. Les Etats ont diminué leurs dettes publiques, qui avaient fortement progressé à la suite des dispositifs de soutien à l’économie face au choc de la pandémie de la covid-19 : aides et prêts aux entreprises, chômage partiel, fiscalité allégée, etc. Par ailleurs, l’inflation allège mécaniquement la dette publique des Etats. Le PIB, en prix constant, croît pour chacun des pays, mais dans une mesure moindre qu’en 2021, année de reprise post covid-19. L’activité économique est donc au rendez-vous et la demande en main d’œuvre a particulièrement progressé. Ainsi, les taux de chômage ont poursuivi leur baisse dans les cinq pays étudiés.

Figure 1 : Macroéconomie : score 2022
Source : Ifip



Les Pays-Bas sont en 1ère position (Figure 1). Au niveau démographique, la population des Pays-Bas a davantage cru (+0,91%) que dans les quatre autres pays (Figure 2) et est globalement moins vieillissante qu’en Allemagne et en Espagne. La densité sur le territoire est la plus élevée (513 habitants/km2). Les indicateurs de l’économie nationale des Pays-Bas indiquent une bonne santé économique. La croissance du PIB et le PIB par habitant sont les deuxièmes plus élevées de l’étude, atteignant respectivement +4,3% et 54 150 € en 2022 (Figure 3). De plus, la dette est relativement faible (50,1% du PIB), et la balance commerciale est largement excédentaire (7,7% du PIB). Néanmoins, le pays fait face à une inflation au-dessus de la moyenne (11,3%) et les dépenses publiques sont plus faibles que dans les autres pays (43,5%). Le marché du travail des Pays-Bas a montré des signaux favorables en 2022. Le taux de chômage est très faible. La productivité est élevée, évaluée à 94 635$ de valeur ajoutée par salarié. Les inégalités sont plus faibles que dans les autres pays d’après l’indice de Gini (26,3). Néanmoins, le coût du travail est élevé (45,2$ de l’heure) et le temps de travail est plus réduit que ses voisins européens (31,6 heures par semaine). Les Pays-Bas obtiennent relativement de bons scores sur les indicateurs de gouvernance et d’infrastructure. La corruption est estimée faible. Les performances logistiques du pays sont élevées, le port de Rotterdam étant un atout. Néanmoins, l’indicateur sur le climat économique est l’un des plus bas de l’étude et l’évaluation de l’impact de la réglementation affiche également un score faible.

Figure 2 : Croissance de la population en 2022 (%)
Figure 3 : Croissance du PIB en 2022 (%)
Source : Ifip d’après données Eurostat



L’Allemagne, en 2ème position, est passée devant le Danemark. Ses indicateurs démographiques se sont améliorés (Figure 2). La population du pays croît (+0,72%), mais est la plus vieillissante des cinq pays. La densité est également très élevée (236 habitants/km2). Les indicateurs macroéconomiques sont relativement moyens pour l’Allemagne. La croissance du PIB est la plus basse des pays étudiés (+1,8%) (Figure 3). Le PIB par habitant est bon (46 260 €), mais en dessous de ses voisins du nord. La dette publique est faible (66,1% du PIB). Les dépenses publiques sont élevées (49,5% du PIB). La balance commerciale est excédentaire et représente 2,8% du PIB. Enfin, l’inflation est élevée (8,7%), mais proche de la moyenne. Les indicateurs du marché du travail allemand sont très dynamiques. Le taux chômage en Allemagne est le plus faible parmi les pays étudiés (3,1%). La mesure du niveau d’éducation est la meilleure. Le coût horaire du travail est relativement plus compétitif (41,6$). Les indicateurs concernant la gouvernance et les infrastructures présentent les scores les plus élevés. Le climat économique est jugé particulièrement bon. Les performances logistiques sont élevées, et le pays présente le meilleur score sur les aspects réglementaires.

Le Danemark perd une place et arrive en 3ème position derrière l’Allemagne (Figure 1). La démographie danoise est dynamique (Figure 2). La croissance de la population est relativement élevée (+0,79%) et jeune. La densité de population est moyenne par rapport aux autres pays. Les indicateurs de santé économique du Danemark sont très positifs. La croissance du PIB est de 2,7%, dans la moyenne des cinq pays (Figure 3). La meilleure maîtrise budgétaire est danoise, avec une dette publique évaluée à 29,8% du PIB (Figure 4). La balance commerciale est excédentaire de 3,1% du PIB. Néanmoins, l’inflation est élevée (8,5%), même si proche de la moyenne, et les dépenses publiques sont relativement faibles (45% du PIB). Le Danemark possède les meilleurs indicateurs concernant le marché du travail. Le taux de chômage est faible (4,5%) (Figure 5). La productivité du travail est la plus élevée, évaluée à 120 989$ de valeur ajoutée par salarié. Les inégalités selon l’indice de Gini (27,7) sont relativement faibles. Toutefois, le coût du travail est le moins compétitif (49,1$ de l’heure). Les indicateurs liés à la gouvernance et aux infrastructures sont élevés pour le Danemark. La réglementation des marchés est favorable aux affaires. Le pays présente très peu de corruption (Figure 6). Les performances logistiques sont très bonnes également.

Figure 4 : Dette publique en 2022 (% du PIB)

Competitivite filieres porc1 Fig4

Figure 5 : Taux de chômage en 2022 (%)
Source : Ifip d’après données Eurostat

Competitivite filieres porc1 Fig5

La France atteint de nouveau la 4ème place. La démographie française continue sa croissance (+0,72 %) et la population de la France est la plus jeune parmi les pays de l’analyse. La densité de population est relativement faible (107 habitants/km2). Côté indicateur de l’économie nationale, la croissance du PIB est moyenne (2,5%) et le PIB par habitant (38 500 €) est plus faible que dans les quatre autres pays. La balance commerciale de la France est déficitaire, évaluée à 5,4% du PIB. La dette publique du PIB (111,8%) est une des plus élevées. Toutefois, la France a mieux maîtrisé l’inflation (5,9%) que ses voisins européens. Les dépenses publiques de la France sont très élevées, et représentent environ 58% du PIB. En 2022, les indicateurs évaluant le marché du travail en France s’améliorent. Le taux de chômage baisse, mais reste élevé (7,3%) (Figure 5). La productivité du travail est élevée et évaluée à 91 822$ de valeur ajoutée par salarié. Le niveau d’éducation est très bon et proche de celui en Allemagne. La moyenne d’heures de travail hebdomadaire par salarié est supérieure à la moyenne des cinq pays étudiés en 2022. Cependant, les inégalités sont relativement plus marquées d’après l’indice de Gini (29,8). Les indicateurs de gouvernance et d’infrastructure de la France sont globalement derrière ses voisins européens. Les performances logistiques du pays sont moindres. La réglementation du marché des produits est davantage contraignante. Le pays présente davantage de corruption que ses voisins du nord de l’Europe (Figure 6). Toutefois, l’indice du climat économique est jugé bon en 2022 par les entreprises.

Figure 6 : Indice de perception de la corruption en 2022
Source : Ifip d’après données Transparency International. Score de 0 à 100. Plus le score est élevé, moins la corruption est présente dans le pays.

Competitivite filieres porc1 Fig6

L’Espagne est le pays le moins performant sur les indicateurs macroéconomiques retenus pour l’étude. La croissance démographique y est très faible (+0,07 %) en 2022. La population est vieillissante et la densité est la plus faible (94 habitants/km2). La croissance du PIB (5,8%) est très élevée, mais le PIB par habitant reste faible (28 280 €). L’inflation de 8,3% est proche de la moyenne des cinq pays. Les dépenses publiques sont relativement réduites, évaluées à 47,4% du PIB. La balance commerciale de l’Espagne est déficitaire, évaluée à -4,4% du PIB. La dette publique du PIB (111,6%) est une des plus élevées. Les indicateurs du marché du travail sont globalement les moins performants. Le taux de chômage, bien qu’en baisse, reste très élevé (12,9%). La productivité du travail est la plus faible, évaluée à 65 051$ de valeur ajoutée par salarié. Le niveau d’éducation est le plus faible parmi les cinq pays. Les inégalités mesurées par l’indice de Gini (32) sont relativement plus élevées. Toutefois, le coût du travail est très compétitif (24,8$ de l’heure). Les indicateurs concernant la gouvernance et les infrastructures de l’Espagne sont relativement plus faibles. Le climat économique est jugé bon par les entreprises, mais les performances logistiques de l’Espagne sont moindres. La corruption est beaucoup plus présente que dans les autres pays. Cependant, les indicateurs liés à la réglementation montrent que cette dernière est relativement plus propice aux affaires.

I. 2 THEME 2 : ALIMENTATION ANIMALE

Competitivite filieres porc1 Tab0

Cinq indicateurs participent au scoring du thème Alimentation animale. Six autres apportent des informations complémentaires, utiles à l’expertise.

I.2.1. Indicateurs explicatifs

Le suivi du rapport SAU/Surface totale du pays permet d’estimer la part de terre disponible pour l’activité agricole d’un pays. En 2022, c’est toujours le Danemark qui détient la plus grande part de SAU, loin devant ses concurrents européens. Avec un ratio de 44,3%, la France se place en cinquième position, juste devant les Pays-Bas (44,2%). L’Espagne et les Pays-Bas enregistrent les plus forts reculs par rapport à 2021 (respectivement -3% et -2%).
L’observation de la part de Fabrication d’Aliment à la Ferme (FAF) donne une indication sur les types d’élevages et les structures des filières porcines d’un pays (Figure 7). La part de FAF moyenne des pays étudiés évolue peu d’une année à l’autre. Elle s’établit en 2022 à 45,7% (-1% par rapport à 2021). L’année 2023 pourrait voir cette part augmenter, conséquence de la hausse des coûts des matières premières et de l’aliment sur 2022. Le Danemark et l’Allemagne restent en tête, la France poursuit sa progression avec 42,6%. L’Espagne est aujourd’hui le plus grand producteur d’aliment pour bétail de l’UE et une large majorité de l’aliment porcin est fabriqué par des filiales intégrant l’élevage.

Figure 7 : Part de la Fabrication d’Aliment à la Ferme (FAF) en%
Ifip d’après FEFAC, Interpig

Competitivite filieres porc1 Fig7
I.2.2. Indicateurs quantitatifs, participant au scoring

Les indicateurs de dépendance aux importations, mesurés par le ratio importation/consommation (Figure 8), traduisent la capacité d’un pays à produire ou non suffisamment de matières premières pour ses besoins. Deux indicateurs sont suivis, un pour les céréales et l’autre pour les tourteaux.
Le ratio moyen « céréale » inclut blé, maïs et orge. Le ratio « tourteau » inclut soja, colza et tournesol. Les graines de soja importées et triturées sur place sont comptabilisées. Cette simplification efface les spécificités de certains pays : l’Espagne est très dépendante de l’importation de céréales, mais n’importe que de très faibles volumes d’orge, céréale qu’elle produit le plus.

En 2022, la France reste le pays le moins dépendant aux importations de céréales grâce à une production qui dépasse largement sa consommation et limite son activité à l’import. Même constat pour l’Allemagne, qui bénéficie, elle aussi, d’une bonne production cette année, en particulier pour le blé. La situation se dégrade pour le Danemark, pénalisé par une production d’orge en fort recul par rapport à 2021 (-41%), compensée par l’importation (+77% toutes céréales confondues). L’Espagne et les Pays-Bas enregistrent tous deux de faibles notes, en particulier les Pays-Bas. L’Espagne, contrainte par son territoire et son climat, ne peut pas compter sur sa production pour satisfaire la demande domestique et importe plus de la moitié des céréales qu’elle consomme. Il en va de même pour les Pays-Bas, pénalisés par une faible SAU et qui importent 91% de leurs céréales, profitant d’un avantage stratégique fort avec le port de Rotterdam.
Concernant les tourteaux, les résultats moyens sont moins bons qu’en 2021 : le taux de dépendance moyen est de 69% en 2022. Cela est d’autant plus vrai pour les tourteaux de soja, avec une part moyenne des importations sur la consommation de 85%. La filière soja européenne peine à décoller, ce qui expose les Etats membres à la volatilité des marchés. Les Pays-Bas sont les plus dépendants aux importations avec un taux de dépendance supérieur à 100%. L’Allemagne présente les meilleurs résultats grâce à la compétitivité de son industrie de trituration, en particulier pour le colza et le tournesol. En France, seule la production de tourteaux de colza est supérieure à sa consommation ce qui compense en moindre mesure les taux de dépendance en tourteaux de soja et de tournesol.

Figure 8 : Taux de dépendance aux importations en 2022/2023
Source : Ifip d’après TerreUnivia, Stratégie grains, TDM, Statistics Denmark

Competitivite filieres porc1 Fig8

Tableau 2 : Prix des céréales en 2022 (€/t)
Sources : AMI, Mercof, La Dépêche, Statistics Denmark, Moyenne annuelle des cotations du marché physique

Competitivite filieres porc1 Tab2

Marqués par un contexte géopolitique complexe en 2022, les marchés des matières premières ont enregistré des hausses exceptionnelles (Coltier et al., 2023). Les tendances de ces dernières années pour les pays étudiés se sont malgré tout conservées et les prix observés en 2022 répondent aux déterminants habituels : la disponibilité, la demande, le prix du transport, etc. En moyenne, le prix du blé a augmenté de 39%, celui du maïs de 32% et celui de l’orge de 38%, conséquence des tensions en mer Noire et de la perturbation des échanges commerciaux notamment avec l’Ukraine.

Les prix des céréales observés en Espagne et aux Pays-Bas sont plus élevés que leurs voisins européens (Tableau 2), du fait de leur forte dépendance aux importations. Le port de Rotterdam permet toutefois aux Pays-Bas d’être plus compétitifs que leur concurrent espagnol. Premier port d’Europe, cette plaque tournante profite également à son voisin danois. Avec un taux d’auto-approvisionnement en céréales de 74%, le Danemark bénéficie de prix plus compétitifs que la France et l’Allemagne, gros producteurs de céréales.

Tableau 3 : Prix des tourteaux en 2022 (€/t)
Sources : AMI, Mercof, La Dépêche, Statistics Denmark, Moyenne annuelle des cotations du marché physique

Competitivite filieres porc1 Tab3

Les prix des tourteaux (Tableau 3) sont plus dépendants des facilités de transport (proximité, prix) et de la présence au sein des pays d’industries de trituration compétitives par rapport à ceux des céréales. Le tourteau de soja, matière protéique la plus consommée en alimentation animale, est principalement produit sur le continent américain (Etats-Unis, Argentine et Brésil). Les cultures de soja, colza et tournesol peinent à se développer sur le sol européen et la production européenne de colza et de tournesol est en baisse depuis une dizaine d’années. Le recours à l’importation est donc inévitable pour les pays européens. L’approvisionnement en colza se fait principalement depuis le Canada (canola) et celui en tournesol depuis l’Ukraine et la Russie.

L’absence de référence de prix pour le tourteau de soja au Danemark (problème de fiabilité des données) et celui de colza aux Pays-Bas (absence de marché) nous conduit à considérer uniquement le prix d’un seul tourteau dans ces pays. Comme pour les céréales, les tourteaux ont connu des hausses de prix historiques en 2022, en moyenne +20% pour les tourteaux de soja et +25% pour ceux de colza. La fraction protéique n’a jamais été aussi coûteuse.
L’Allemagne, qui bénéficiait auparavant d’un avantage grâce à son industrie de trituration très compétitive (nombre important d’usines permettant la réalisation d’économies d’échelle, transport fluvial très développé et peu coûteux), perd en compétitivité face à la France, en particulier pour le soja, qui enregistre la hausse la plus modérée. Le prix de l’aliment (Figure 9) évolue dans le sens de celui des matières premières, mais pas nécessairement dans les mêmes proportions (les fabricants pouvant absorber une partie des écarts). La comparaison de ce prix se fait sur un même type d’aliment : aliment porc charcutier à 40% d’aliment croissance et 60% d’aliment finition. Les prix de vente par les fabricants incluent la TVA.

En 2022, l’aliment porcin danois reste le plus compétitif avec une moyenne annuelle de 358 €/t. Avec un aliment moyen à 367 €/t, la France se place devant l’Allemagne pour la deuxième année consécutive. L’écart se creuse encore entre les prix enregistrés aux Pays-Bas et en Espagne et ceux de leurs concurrents européens (respectivement +76 €/t et +59 €/t par rapport à la moyenne des trois autres pays).
En cette période de forte hausse des cours des matières premières, le prix de l’aliment a augmenté d’en moyenne 43% en un an. Les Pays-Bas enregistrent la plus forte hausse (+171 €/t en moyenne contre +122 €/t pour l’Espagne). Fortement tributaires des importations, l’Espagne et les Pays-Bas s’exposent à la volatilité des marchés, ce qui contraint leur capacité à absorber les chocs.

Figure 9 : Prix de l'aliment charcutier (€/t)
Source : Ifip d’après AMI, Gencat, Ifip, Wageningen University, Danish Pig Research Centre

Competitivite filieres porc1 Fig9

I.2.3. Synthèse – Alimentation animale

L’observation des différents indicateurs choisis pour évaluer la compétitivité du secteur de l’alimentation animale souligne l’atout que constitue ce maillon pour la filière porcine française (Figure 10). Avec une faible dépendance aux importations de céréales et une dépendance contenue à celles de tourteaux par rapport à ses concurrents, la France profite de prix des matières premières, et donc de l’aliment, plus compétitifs.
Le constat est similaire pour le Danemark et l’Allemagne, qui produisent un aliment porcin compétitif grâce à des avantages spécifiques (trituration et production céréalière en Allemagne, proximité du port de Rotterdam pour le Danemark).
Des limites peuvent être soulignées pour ces trois filières : en France, les entreprises du secteur de l’aliment ont une portée encore limitée à l’international et la segmentation est faible. Le Danemark et l’Allemagne doivent quant à eux faire face à une plus grande décapitalisation et à des attentes sociétales plus fortes, poussant à la segmentation.

Les Pays-Bas arrivent en dernière position de ce thème, loin derrière l’Espagne. Leur dépendance aux importations les rend particulièrement sensibles à la volatilité des marchés et leur octroie peu de marge de manœuvre concernant l’aliment. Le port de Rotterdam constitue toutefois un atout, en permettant aux Pays-Bas de réexporter des matières premières à faible coût. Par ailleurs, les Pays-Bas misent sur d’autres voies pour gagner en compétitivité comme le développement d’une économie circulaire et le recours aux co-produits qui représentent environ 10% des matières utilisées en alimentation.
L’Espagne est, elle aussi, pénalisée par sa dépendance aux importations. L’intégration de la filière limite les contraintes liées à un prix de l’aliment élevé grâce à une prise en charge des coûts à chaque maillon.

Après deux années marquées par la crise de la COVID-19, c’est la géopolitique qui frappe cette nouvelle année et bouleverse des marchés déjà fragilisés. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 et les incertitudes quant à la disponibilité des productions russes et ukrainiennes, ont entrainé des hausses des prix des matières premières agricoles sans précédent. Si les fabricants d’aliment tentent d’absorber ces hausses pour limiter l’impact sur les éleveurs, le prix de l’aliment porc charcutier n’y a pour autant pas échappé en France (+18% entre janvier et mai 2022). Le retour à la normale post COVID entamé en 2021 a donc été plus que compromis. Alors que la crise sur le marché des matières premières semble s’installer et affecte l’ensemble de la filière, cette étude de compétitivité permet d’observer le niveau de résilience des principaux producteurs de porc en Europe.

Figure 10 : Scoring Alimentation animale 2022
Source : Ifip

Competitivite filieres porc1 Fig10

I. 3 THEME 3 : ELEVAGE

Ce thème regroupe 3 sous-thèmes permettant de caractériser les exploitations porcines des pays étudiés.

I.3.1. Systèmes de production

Ce sous-thème n’est pas inclus dans le scoring, mais apporte des informations sur la structure et la taille des exploitations des pays étudiés ici selon différents indicateurs (Tableau 4).
Cela nous permet de caractériser les systèmes, sans pour autant émettre de jugement de valeur au travers d’une notation inadaptée.

Tableau 4 : Indicateurs qualitatifs ne participant pas au scoring du thème

Competitivite filieres porc1 Tab4

La densité animale est évaluée en divisant le nombre d’UGB totaux des principales productions par la Surface Agricole Utile (SAU) totale du pays. La dernière année pour laquelle des données sont disponibles à date est 2021. L’Espagne et la France présentent les densités les plus faibles (0,68 et 0,78 UGB/ha), suivies de l’Allemagne (1,09) et du Danemark (1,86). Les Pays-Bas se démarquent largement, avec une densité bien supérieure puisqu’elle est de 4,0 UGB/ha.
A l’échelle des territoires, la densité animale peut entraîner des répercussions importantes sur les possibilités de développement de la production. En effet, il est plus difficile de développer la production dans des zones où la densité animale est importante, comme aux Pays-Bas. Par ailleurs, la forte densité entraîne des surcoûts de gestion des émissions minérales et gazeuses des élevages, soit parce qu’il est nécessaire de transporter les effluents à longue distance ou de les traiter, soit parce que les réglementations y deviennent plus contraignantes.
L’étude du lien au sol compare les UGB/ha des exploitations porcines spécialisées. Les élevages avec un fort lien au sol peuvent épandre leurs effluents sur leurs terres et produire en partie au moins leur aliment. Cet indicateur donne ainsi des indications sur les stratégies des fermes des différents pays. Les élevages spécialisés allemands présentent un lien au sol le plus fort, suivis des Danois puis des Français. L’Espagne arrive ensuite, avec une densité de porc à l’hectare plus importante. Les Néerlandais ont la densité la plus importante, loin devant tous ses autres concurrents.
La taille des exploitations varie fortement selon les pays. La part des porcs dans les exploitations de 500 UGB est présentée dans le tableau ci-dessous (Tableau 5). Les dernières données disponibles datent de 2020.

Tableau 5 : Part des porcs dans les exploitations de plus de 500 UGB parmi les exploitations spécialisées

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C’est au Danemark, suivi des Pays-Bas, que la production porcine est la plus concentrée dans des élevages de plus de 500 UGB. En comparaison, en Allemagne, moins de la moitié de la production est réalisée dans des élevages de plus de 500 UGB.

I.3.2. Performances technico-économiques

Ce sous-thème présente les indicateurs de performances technico-économiques (Tableau 6).

Tableau 6 : Présentation des indicateurs du sous-thème 3.2

Competitivite filieres porc1 Tab6

L’OIE, l’Organisation mondiale de la santé animale, regroupe, sur sa plateforme WAHIS, un ensemble de données concernant les maladies animales. Le suivi de ces maladies sur les territoires apporte des informations sur le statut sanitaire des exploitations porcines. Selon que les maladies sont présentes dans la faune sauvage (1 point), en élevage (2 points) ou absentes (0 point), un score est attribué pour l’ensemble des maladies considérées, par pays. Neuf maladies sont considérées dans l’analyse, et sont pondérées selon leur gravité estimée (Tableau 7).

Tableau 7 : Maladies suivies dans l’indicateur Situation sanitaire, et poids associés

Competitivite filieres porc1 Tab7

Depuis 2 ans, les données des Pays-Bas ne sont plus disponibles sur le site de l’OIE. Le score de ce pays est donc défini à dire d’expert, à partir de recherches parallèles.
Les scores danois et néerlandais sont bas, probablement parce que les mesures de contrôle et de prévention sont particulièrement efficaces. L’Allemagne, toujours touchée par la FPA en élevage, conserve le score le plus élevé. En 2022, l’Espagne est fortement touchée par le Syndrome dysgénésique et respiratoire du porc (SDRP) (Martín-Valls et al., 2023), les taux de pertes sont en hausse et le nombre de porcs sortis par truie s’en retrouve affecté. Le score français reste stable.

Figure 11 : Evolution du nombre de porcs produits par truie en production par an
Source : Ifip d’après InterPIG

Competitivite filieres porc1 Fig11
Exprimée en porcs produits par truie en production par an (Figure 11), la productivité des truies tient compte des performances en maternité, ainsi que des pertes du sevrage à la vente des porcs.
Le Danemark et les Pays-Bas obtiennent les meilleurs résultats, devant l’Allemagne puis la France. L'Espagne est assez nettement distancée et l’épidémie de SDRP grève plus encore ses performances.
Depuis le début des années 2000, le Danemark, les Pays-Bas et l'Allemagne ont fortement progressé sur ce critère, en raison notamment de la restructuration des élevages et d'une spécialisation plus forte des naisseurs.
Le Gain Moyen Quotidien (GMQ) est un autre indicateur de productivité : il s’agit du nombre de grammes gagnés par jour et par porc. Les données ici utilisées proviennent d’InterPIG, pour un gain calculé entre le sevrage du porc à 8 kg et son abattage à 120 kg vif. Le Danemark présente le GMQ le plus élevé (813 g/j), loin devant les Pays-Bas (760), l’Allemagne (743), la France (714) et l’Espagne (643 g/j).
Le coût alimentaire représente la plus grande part du coût de production. Au-delà de la technicité des élevages, il est influencé par les disponibilités en matière première, l’efficacité des infrastructures de stockage et de transport, la performance des fabricants d’aliments de chaque pays, mais aussi par d’éventuelles économies liées à l’utilisation des coproduits, comme aux Pays-Bas notamment (cf. Thème 2). En 2022, la crise des matières premières impacte très lourdement les coûts alimentaires du kilo de croît global, qui augmentent en moyenne de 33%. C’est en France et au Danemark que les prix augmentent le moins, ce qui leur permet de conserver un coût inférieur à 1 €/kg vif (resp. 0,99 et 0,93 €/kg vif). Les Pays-Bas arrivent ensuite (1,04 €/kg vif), suivis de l’Allemagne (1,12 €/kg vif) et de l’Espagne qui subit sa dépendance aux matières premières et présente la plus grosse augmentation (1,13 €/kg vif).
Le coût du travail se réfère au travail nécessaire au naissage et à l’engraissement des porcs. Il prend en compte les dépenses en salaires et charges sociales ainsi que la rémunération de la main-d’œuvre des exploitants.

Les résultats dépendent à la fois de la productivité du travail en élevage et du coût de la main-d'œuvre. Le coût du travail est plus élevé aux Pays-Bas (27,9 €/h), mais la productivité du travail y est très bonne : 213 kg carcasse produits par heure. Ceci est dû à la forte spécialisation des élevages. La France présente, elle aussi, une productivité du travail semblable, à 165 kg carc produits/h, mais le coût du travail est également plutôt élevé (21,7 €/h). L’Espagne, dont la productivité est moindre, mais dont le coût des salaires est plus faible, obtient donc la 1ère place de cet indicateur, et repasse devant la France. Le Danemark voit sa position se dégrader alors que le temps de travail passé par truie augmente fortement en 2022. L’Allemagne passe donc en 4ème position : sa productivité du travail reste stagnante et son coût du travail est moyen.

Les charges diverses et de structure comprennent l’ensemble des charges autres que l’alimentation et la main d’œuvre comprises dans le coût de production du porc. Elles incluent les amortissements, les frais financiers, l’entretien des installations, la gestion des effluents, l’énergie, les dépenses de santé, le renouvellement des reproducteurs et les autres charges diverses.
L'Allemagne (0,63 €/kg carc) et les Pays-Bas (0,62 €/kg carc) présentent les charges les plus élevées. Ceci est lié en partie aux investissements récents effectués dans ces pays, du fait d’un durcissement réglementaire lié à une pression sociétale élevée. En 2022, les hausses des charges diverses et de structure sont généralisées : les amortissements et frais financiers sont en hausse dans tous les pays. La crise énergétique impacte également ce poste de charge : les hausses sont particulièrement élevées aux Pays-Bas, au Danemark et en Espagne. Elle reste contenue en Allemagne. Les éleveurs français, dont les contrats trisannuels se clôturent fin 2022 dans leur majorité, sont moins touchés. Le Danemark (0,49 €/kg carc) obtient le meilleur score pour cet indicateur pour la deuxième année consécutive, juste devant l’Espagne (0,49 €/kg carc) qui se démarque par des structures très simples et peu coûteuses, rendues possibles par un climat plus clément et une main-d'œuvre moins chère. La France talonne l’Espagne (0,51 €/kg carc.). Les Pays-Bas, où la production est très concentrée géographiquement, sont pénalisés par des coûts de gestion des effluents beaucoup plus élevés que dans les autres pays.

Les Danois, très efficaces, restent leaders de ce sous-thème, loin devant les autres pays (Figure 12). Spécialistes du naissage, ils présentent de très bonnes performances. Les Pays-Bas arrivent en deuxième position, grâce à de bonnes performances et à une productivité du travail excellente. La France se maintient en 3ème position grâce à une bonne productivité du travail et des charges diverses qui augmentent moins que dans les autres pays. L’Espagne est toujours en retrait, ses coûts (travail et charges diverses) sont faibles, mais sa productivité est moindre. L’Allemagne souffre de ses coûts élevés (bâtiments, charges diverses, alimentation) et de la présence de FPA en élevage. En 2022, les coûts de production sont en hausse dans l’ensemble des pays étudiés, du fait de la crise des matières premières mais aussi de l’énergie, qui vient impacter les coûts des bâtiments et donc des amortissements et frais financiers.

Figure 12 : Performances technico-économiques en 2022 et score
Source : Ifip d’après OIE, InterPIG

Competitivite filieres porc1 Fig12

I.3.3. Résultats économiques

Le score pour le sous-thème « Résultats économiques » est calculé à partir de trois variables (Tableau 8).

Tableau 8 : Présentation des indicateurs du sous-thème 3.3

Competitivite filieres porc1 Tab8

La variable Résultat est la différence entre le coût de revient (incluant donc les charges supplétives) en élevage et le prix perçu par kg carc. En 2022, tous les pays présentent des résultats négatifs (Figure 13). Les prix perçus sont en hausse, certes, mais ne parviennent pas à compenser la hausse des coûts évoquée plus haut. Ce sont finalement les éleveurs français qui présentent le meilleur résultat : -9 ct/kg carc. chaude).

Figure 13 : Coûts de revient et prix perçus en 2022 (€/kg carc. chaude)
Source : Ifip d’après InterPIG

Competitivite filieres porc1 Fig13

A partir de 2021, les données issues du RICA ne nous permettent plus d’aller jusqu’au degré de détail "Spécialisé porcin". Seul le degré de détail "Spécialisés granivores", incluant donc les volailles, reste accessible. Ce sont donc les données des élevages spécialisés granivores qui sont considérés pour les variables Rentabilité et Taux d’Investissement des pays suivants : Danemark, Espagne, Pays-Bas et Allemagne. Les données individuelles du RICA restent disponibles pour la France et sont donc utilisées.

La variable Rentabilité correspond à la moyenne des trois années précédentes (2019-2021) du revenu net d’exploitation par Unité de Travail Non Salariée.
Elle varie énormément selon les pays, entre la France et l’Allemagne (49,9 k€ et 43,9 k€) d’un côté, le Danemark et les Pays-Bas (301,3 k€ et 122,7 k€) de l’autre et peut s’expliquer en partie par les différences de taille d’exploitations entre les pays. La rentabilité est en hausse dans l’ensemble des pays étudiés, notamment parce que l’année 2018, très mauvaise, n’est plus considérée.

La variable Taux d’investissement prend la moyenne sur les trois années précédentes des investissements bruts sur capitaux fixes par UGB divisés par le prix des bâtiments. Les données espagnoles issues du RICA ne sont pas comptabilisées, car jugées non représentatives. Ainsi, le score de l’Espagne pour ce sous-thème correspond à la moyenne des scores de résultat et de rentabilité. Les taux d’investissements sont les plus hauts au Danemark (2,6%). Arrive ensuite l’Allemagne (1,6%), puis la France (1,4%) et enfin les Pays-Bas (1,3%).
Le Danemark arrive en tête de ce sous-thème (Figure 14), porté à la fois par de bons résultats en 2022, des revenus par UTNS excellents entre 2019 et 2021, et des investissements importants en élevage.

Figure 14 : Résultats économiques en 2022 et score
Source : Ifip d’après InterPIG, RICA
* hors Espagne

Competitivite filieres porc1 Fig14

I.3.4. Score global et points clés de l’année 2022

Tableau 9 : Score global du Thème Elevage

Competitivite filieres porc1 Tab9

Sans surprises, le Danemark sort largement en tête de ce thème élevage (Tableau 9). La France arrive en deuxième position et distance quelque-peu ses concurrents, grâce à des résultats meilleurs que ses concurrents : les prix du porc sont hauts, devancés seulement par l’Espagne, et la hausse des coûts des éleveurs français reste contenue. L’Espagne arrive en 3ème position, suivie des Pays-Bas et de l’Allemagne loin derrière mais dont le score s’améliore faiblement en 2022. Les normes environnementales se font très présentes aux Pays-Bas : le pays bénéficie de subventions à l’arrêt de la production porcine. La pression sociale s’accentue, tout comme en Allemagne.
L’évènement marquant de l’année est bien la crise des matières premières, à laquelle s’associent celles de l’énergie et des bâtiments et qui affectent les éleveurs partout en Europe.

I.4. THEME 4 : ENTREPRISES DE L’AVAL

L’analyse de la compétitivité des entreprises d’abattage, de découpe et de transformation est réalisée avec les statistiques structurelles sur les entreprises d’Eurostat. Ces données sont actualisées chaque année en décembre et comprennent les données N-2. Ainsi, les données collectées en décembre 2023 correspondent à l’année 2021 et sont utilisées pour définir, dans la veille compétitive de l’année 2022, un indicateur de compétitivité comparé entre pays pour le secteur de l’abattage, de la découpe et de la transformation de la viande de porc. Les indicateurs utilisés (Tableau 10) sont la performance économique définie par le ratio Excédent brut d’exploitation/Chiffre d’affaires (EBE/CA), le coût du travail par emploi équivalent temps plein (ETP), le taux d’investissement (moyenne des trois dernières années du ratio investissement/CA), ainsi que la productivité apparente du travail équivalant à la valeur ajoutée brute par ETP. Ces quatre indicateurs sont collectés séparément pour les entreprises d’abattage-découpe qui correspondent au secteur de la « transformation et conservation de la viande de boucherie » d’Eurostat (code NACE C10.11), et pour les entreprises de la transformation qui correspondent au secteur de la « préparation de produits à base de viande » d’Eurostat (code NACE C10.13).

Tableau 10 : Indicateurs de la compétitivité des entreprises de l'aval

Competitivite filieres porc1 Tab10

Figure 15 : Scoring performance des entreprises de l'aval en 2022
Source : Ifip

Competitivite filieres porc1 Fig15

L’année 2022 a été marquée par une hausse des coûts de l’énergie, en raison de la crise énergétique qui découle de la guerre en Ukraine. L’UE est dépendante au gaz russe, pays qui est principal fournisseur pour cette source d’énergie. Néanmoins, cette dépendance varie entre les Etats membres. Ainsi, l’impact de la crise énergétique a pu être atténué dans les pays moins dépendants au gaz russe ou ayant un mix de sources énergétiques davantage diversifié, (énergies nucléaires ou renouvelables), comme c’est le cas en France. Les charges énergétiques ont augmenté pour les industriels de la viande de porc, rognant ainsi leurs marges et engendrant pour certains de réelles difficultés. En effet, les entreprises du secteur de l’abattage, de la découpe et de la transformation de la viande de porc sont consommatrices d’énergie, afin de générer du froid pour la conservation des viandes. La hausse des taux directeurs de la BCE a contraint les investissements des entreprises. Pour les données les plus récentes, 2021, dans tous les pays, les entreprises du secteur abattage, découpe et transformation ont diminué leur taux d’investissement. Sur un an, la rentabilité (ratio EBE/CA) du maillon transformation s’améliore dans chaque pays, pouvant s’expliquer par la reprise post covid-19.

Figure 16 : Coût du travail par ETP en 2021 (en euros)
Source : Ifip d’après données Eurostat

Competitivite filieres porc1 Fig16L’Espagne conserve sa première place (Figure 15). Les entreprises espagnoles de l’aval sont très performantes économiquement. Parmi les cinq pays, l’Espagne a le ratio EBE/CA le plus élevé pour l’abattage-découpe (7,1%) et se situe autour de la moyenne pour la transformation (7,9%). Les entreprises de l’aval espagnoles investissent le plus dans leurs outils. Les taux d’investissement sont de 2,8% pour l’abattage-découpe et de 3,8% pour la transformation. En réponse à la crise énergétique, de nombreuses entreprises ont investi dans l’autoproduction d’énergie, notamment solaire, en installant des panneaux photovoltaïques sur leurs bâtiments. Un des principaux avantages compétitifs de l’Espagne est le faible coût relatif de sa main d’œuvre. Le coût du travail par ETP est de 31 700 € (Figure 16) (stable sur un an) pour l’abattage-découpe, et de 32 290 € (+2,6%) pour la transformation. Ce coût du travail est le plus faible parmi les cinq pays étudiés, et est près de deux fois inférieur à celui du Danemark et des Pays-Bas. Cette main d’œuvre bon marché compense sa faible productivité : la valeur ajoutée brute est estimée par ETP à 52 290 € (-8,4% sur un an) dans l’abattage-découpe et à 49 190 € dans la transformation (+5,8% sur un an).

Les Pays-Bas accèdent à la deuxième place (Figure 15) et passent devant le Danemark. Cette amélioration est notamment due au secteur de la transformation qui a fait un bond dans sa productivité et détient de très bonnes performances économiques. Le coût du travail dans les entreprises de transformation de la viande des Pays-Bas a augmenté plus que dans les autres pays (+3,6%), mais est largement compensé par la productivité apparente du travail, en très forte hausse dans les entreprises de transformation néerlandaises (+47,2% sur deux ans) (Figure 17), rejoignant ainsi le niveau du Danemark. Le Ratio EBE/CA est le plus élevé sur la partie transformation (9,5%), il a presque doublé sur un an (Figure 18). Le coût du travail dans les abattoirs et ateliers de découpe néerlandais (58 640 €) a augmenté de 7,2% sur deux ans, alors que la productivité reste stable sur un an. Les Pays-Bas sont le 2e pays avec la main d’œuvre la plus chère, derrière le Danemark.

Le Danemark rétrograde à la 3e place en 2022 (Figure 15). Au Danemark, l’entreprise Danish Crown concentre 73% des abattages de porcs du pays. La santé économique de Danish Crown explique pour beaucoup les évolutions du maillon abattage, découpe et transformation du pays. Les données d’Eurostat montrent des performances économiques des abattoirs et ateliers de découpe moindres que l’année précédente, comparativement à ceux dans les pays concurrents : la surcapacité des abattoirs de Danish Crown et les difficultés d’approvisionnement à cause d’une l’offre de porc qui s’est réduite affectent ses performances. Cette situation a altéré la rentabilité de l’abattage-découpe, le ratio EBE/CA est descendu de 4,2% à 3,7% sur deux ans (Figure 18). Le coût du travail de l’abattage-découpe a augmenté de 3,1% sur un an, et est entièrement compensé par des gains de productivité (+3,1%). Le Danemark est le pays avec la plus forte productivité, évaluée à 88 570 € de valeur ajoutée par salarié. Habituellement un des plus élevé, le taux d’investissement des abattoirs et ateliers de découpe au Danemark est le plus faible pour l’année étudiée.

Figure 17 : Productivité apparente du travail en 2021 (valeur ajoutée en milliers d'euros/ETP)
Source : Ifip d’après Eurostat

Competitivite filieres porc1 Fig17La France est avant dernière (Figure 15) mais creuse l’écart sur les indicateurs de compétitivité avec l’Allemagne. Les coûts du travail (Figure 16) dans les entreprises abattage-découpe (49 460 €/ETP) et dans les entreprises de transformation (46 662 €/ETP) augmentent respectivement de 2,8% et 2,6% sur un an. La France voit sa productivité du travail baisser sur un an (-1%) pour les activités d’abattage et de découpe, évaluée à 57 100 €/ETP. Sur les activités de transformation, la France est le deuxième pays affichant les plus forts gains (+11,2%) avec une productivité du travail estimée à 52 810 €/ETP. Concernant les performances économiques (Figure 18), le ratio EBE/CA du maillon de l’abattage-découpe passe de 4,4% à 3,6%, et est proche des performances du Danemark et des Pays-Bas. Sur le maillon transformation, la France augmente ce ratio de 4,5% à 5,5%, mais cette rentabilité reste derrière celles des entreprises de transformation de tous les pays concurrents. Les taux d’investissement pour les activités d’abattage-découpe (1,6% du CA) et de transformation (2,1% du CA), bien qu’en baissent, sont légèrement au-dessus de la moyenne des taux des 5 pays.

Figure 18 : Performance économique en 2021 (EBE/CA en %)
Source : Ifip d’après données Eurostat

Competitivite filieres porc1 Fig18L’Allemagne est dernière dans l’indicateur de compétitivité concernant les entreprises de l’aval (Figure 15). Bien que la performance économique de son activité d’abattage et de découpe remonte, après les problématiques de disponibilité de la main-d’œuvre dans les abattoirs liées à la covid-19, elle reste la moins compétitive et est pénalisée par le manque d’offre nationale et la surcapacité des abattoirs. La présence de FPA sur le territoire allemand empêche les entreprises d’exporter vers la Chine. La fermeture du débouché chinois est un facteur à la baisse de la rentabilité des entreprises de l’aval. Ainsi, le ratio EBE/CA de l’Allemagne est le plus faible pour les activités d’abattage-découpe : 3,03%. Pour les activités de transformation, ce ratio est stable mais se place en avant-dernière position : 7,37%. Structurellement, le coût de la main d’œuvre allemande est bon marché, mais depuis 2020, ce coût augmente en raison de pressions sociétales et réglementaires. Il est de 37 520 €/ETP (+2,2%sur un an) pour les entreprises d’abattage-découpe et de 33 900 €/ETP (-2% sur un an) pour les entreprises de la transformation (Figure 16). La productivité des entreprises allemandes est faible par rapport aux autres pays : 44 590 €/ETP pour l’abattage-découpe et 39 290 €/ETP pour la transformation. Les taux d’investissement sont également faibles, que ce soit pour les activités d’abattage-découpe (1,8% du CA) ou bien pour les activités de transformation (1,7% du CA).

La concentration des abattages est calculée selon la part des trois groupes abattant le plus de porc sur l’ensemble des abattages nationaux. La concentration des abattages au Danemark est très forte et s’élève à 96,8%. Celle aux Pays-Bas atteint 75,2%. L’Allemagne, dont la concentration des abattages diminue légèrement, se situe à un niveau intermédiaire avec une concentration de 57,5% en 2022. La France se maintient en 4ème position mais se rapproche fortement de l’Allemagne avec une concentration de 56,1%. En effet, e groupe Bigard, en rachetant l’abattoir d’Abera, a renforcé la concentration des abattages du pays. Enfin, la concentration des abattages de porcs en Espagne est nettement moins prononcée mais progresse : 30,9% en 2022 contre 28,5% en 2021.

CONCLUSION PARTIELLE

L’analyse des thèmes macroéconomie, alimentation animale, élevage et entreprise de l’aval met en évidence des contrastes entre les filières porcines européennes étudiées.
Le Danemark se distingue par les performances techniques et économiques de ses élevages. Les truies y sont les plus productives. Le pays présente le prix d’aliment porcin le plus faible en 2022. Toutefois, à l’aval, les difficultés d’approvisionnement obligent les abattoirs à tourner en sous-capacité.
La France dispose également d’atouts notables. Moins dépendante des importations de matières premières grâce à sa production céréalière, elle bénéficie d’un coût alimentaire relativement contenu dans ce contexte de crise. L’inflation reste maitrisée en 2022. Les performances logistiques restent toutefois en retrait. La réglementation des marchés est contraignante.
L’Allemagne possède un maillon alimentation animal compétitif : la production de blé est bonne en 2022, et ses usines de trituration de colza et de tournesol limitent ses dépendances. Toutefois, le maillon élevage subit une pression sociétale élevée qui augmente ses coûts. La FPA empêche les exports vers la Chine. Les abattoirs sont de plus pénalisés par le manque d’offre. La main-d’œuvre, historiquement peu coûteuse dans les abattoirs, voit sa rémunération revalorisée sous l’effet de la pression sociétale et des évolutions réglementaires.
En Espagne, les indicateurs macroéconomiques apparaissent peu favorables : faible PIB par habitant, taux de chômage élevé, forte dette publique. Les prix de l’aliment sont élevés du fait de la dépendance aux importations de matières premières. De plus, les élevages subissent l’épidémie de SDRP qui grève leurs performances techniques. Les entreprises de l’aval bénéficient toutefois d’une main d’œuvre peu chère, investissent et développent l’autoproduction d’énergie.
Les Pays-Bas sont contraints par leur faible SAU qui les rendent dépendants des importations de matières premières – et donc de la volatilité des marchés. Le port de Rotterdam constitue néanmoins un atout. Le coût du travail est élevé mais la productivité de la main d’œuvre, en élevage et à l’aval de la filière, est excellente. La pression sociétale au regard de l’élevage est importante, ce qui explique en partie leurs coûts élevés. La gestion des effluents représente une charge financière importante.
Cette première analyse sectorielle confirme ainsi la diversité des modèles européens, présentant chacun des atouts et contraintes. L’impact de l’inflation est notable en 2022, pour l’ensemble des maillons.

Références

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Grekou, C., Hache, E., Lantz, F., Massol, O., Mignon, V., & Ragot, L. (2022). Guerre en Ukraine : bouleversements et défis énergétiques en Europe. CEPII, Policy Brief, n°37.
Ifip, 2023. Supplément Bilan 2022 – Baromètre porc. 4p. n°540
Kornher, L., Balezentis, T. & Santeramo, F.G. (2024). EU food price inflation amid global market turbulences during the COVID-19 pandemic and the Russia–Ukraine War. Applied Economic Perspectives and Policy 46, 1563–1584.
Le Clerc L., Rouault N. (2024). Indicateur de compétitivité des filières porcines, données de 2022. Ifip. 43p
Martín-Valls, G.E., Cortey, M., Allepuz, A., Illas F., Tello M. & Mateuet E. (2023). Introduction of a PRRSV-1 strain of increased virulence in a pig production structure in Spain: virus evolution and impact on production. Porc Health Management 9, 1. https://doi.org/10.1186/s40813-022-00298-3

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