Le marché de la viande bovine au Brésil : évolutions récentes, signes de qualité et perspectives de la production de viande bovine brésilienne pour mieux maitriser sa qualité sensorielle
INTRODUCTION
Le Brésil est l'un des plus importants producteurs de viande bovine au monde, résultat de décennies d'investissements dans ce secteur. L'objectif de la filière est d'accroître la productivité et la qualité des produits brésiliens et de les rendre compétitifs sur le marché international. L'élevage brésilien a consolidé son rôle de leader sur le marché mondial de la viande bovine, même face à un scénario économique difficile dû à la pandémie de COVID-19. Le Brésil a notamment conquis de nouveaux marchés grâce à l'adoption de mesures sanitaires qui lui ont permis d'exporter plus largement. Ainsi, tirées par la demande chinoise croissante, les exportations en 2021 ont totalisé 2 millions de tonnes, soit une croissance de +7,75% par rapport à 2019 (EMBRAPA, 2021 ; ABIEC, 2021).
Dans le document intitulé « Perspectives agricoles 2020-2029 de l'OCDE et de la FAO » publié le 16 juillet 2020par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), différents spécialistes ont évalué les perspectives à dix ans des marchés des matières premières agricoles et les tendances économiques et sociales du secteur alimentaire mondial (et notamment du marché de la viande bovine). Selon ces projections, le Brésil, la Chine, l'Union européenne et les États-Unis devraient produire près de 60% de la production mondiale de viande d'ici 2029. La croissance de la production au Brésil devrait continuer de bénéficier d'une offre abondante de viande grâce aux ressources naturelles et aux gains de productivité.
Le premier objectif de cet article est d'analyser l'évolution de la chaîne de production de viande bovine brésilienne au cours de la période 2000 à 2021.Dans cette première partie, l'importance du secteur de la viande bovine, aussi bien pour le Brésil que le commerce mondial, sera discutée.
Dans un but de mieux satisfaire les consommateurs, les signes officiels brésiliens garantissant la qualité de la viande ainsi que les perspectives d’évolution seront ensuite décrites dans une seconde partie.
La troisième partie de cet article est consacrée à la description de l'évolution des attentes des consommateurs afin de dégager les défis et les perspectives de la filière viande bovine brésilienne.
Enfin, seront mis en évidence les impacts économiques, sociaux, scientifiques et technologiques de la mise en œuvre de la méthode de classification des carcasses MSA (« Meat Standards Australia »), qui permet de prédire la qualité sensorielle de la viande à partir d'informations sur les animaux et les facteurs pré et post-abattage.
I. PRODUCTION DE VIANDE BOVINE AU BRÉSIL
Pour atteindre le niveau actuel de production et d'exportation de viande bovine, diverses technologies ont été améliorées au Brésil, notamment en alimentation (gestion du pâturage), en gestion de la santé et en génétique. Les producteurs et transformateurs de viande bovine visent la rentabilité de l'activité, mais aussi la qualité du produit brésilien et, par conséquent, l’amélioration de la compétitivité et de la couverture du marché international. Selon l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE), 29,7 millions de têtes ont été abattues en 2020dans le pays. Les États du Mato Grosso (17,1%), du Mato Grosso do Sul (10,9%), de São Paulo (10,5%), de Goiás (9,4%), de Minas Gerais (9,0%), de Pará (7,4%), de Rondônia (7,3%) et de Rio Grande do Sul (6,4%), sont en tête des abattages, avec 78,1% des abattages du pays. Les données d’effectif du cheptel en 2020, indiquent que le pays disposait cette année-là de 214,5 millions de têtes (Malafaia et al., 2020b ; IBGE, 2021). La Figure 1 montre la répartition du cheptel bovin brésilien en 2020.
Figure 1. Répartition du cheptel bovin brésilien (nombre de têtes) en 2020.
Source : Athenagro, Secex/Ministério da Economia. (ABIEC, 2021).
En 2020, le PIB du Brésil s'est élevé à 7,4 trillions de reais (1,23 trillion €), soit une baisse de 4,1% par rapport à l'année précédente. Malgré cette baisse, l’importance relative du secteur de l'élevage a augmenté au cours de la même période, sa représentativité dans le PIB total passant de 8,4% à 10%, ce qui montre la force du secteur dans l'économie brésilienne (CEPEA, 2021).
La Figure 2 indique les principaux pays acheteurs de viande bovine brésilienne tandis que la Figure 3 montre une tendance à la hausse des exportations de viande bovine brésilienne au fil des ans, notamment en 2020. Ce scénario est confirmé par l'augmentation du nombre de pays importateurs et la consolidation de marchés tels que la Chine, Hong Kong, l'Union européenne, l'Égypte et le Chili. Ces données sont cohérentes avec celles rapportées par l'OCDE/FAO (2020) dans le document présentant les projections agricoles 2020-2029.
Figure 2. Carte montrant les acheteurs de viande bovine brésilienne en 2020, en tonnes d'équivalent carcasse.
Source : Athenagro, Secex/Ministério da Economia. (ABIEC,2021).
Figure 3. Principaux importateurs de viande bovine brésilienne en 2020, exprimés en milliers de dollars US.
Source : Athenagro, Secex/Ministério da Economia. (ABIEC,2021).
En 2008, les exportations ont atteint un pic en raison de la participation importante de la Russie et de l'augmentation des exportations vers d'autres pays (Figure 3). La situation s’est reproduite en 2013 et 2014, avec une participation importante de Hong Kong et de la Russie. En 2014, la Russie (22,1%), Hong Kong (17,9%), l'Égypte (12,9%), le Venezuela (11,6%), l'Iran (11,6%), le Chili (4,9%), l'Italie (1,6%), les Émirats arabes unis (1,6%), l'Algérie (1,4%) et l'Angola (1,4%) étaient les dix premiers pays à importer de la viande bovine du Brésil. Au cours de cette période, 72 pays ont importé ce produit du Brésil, comme le montre la Figure 3 (IBGE, 2021). Ces dernières années, comme nous l'avons déjà mentionné, la Chine est devenue le principal partenaire commercial du Brésil dans ce secteur, notamment en 2019 et 2020.Ces facteurs ont été évalués par les chercheurs dans le cadre de l'étude de l’Australian Bureau of Agricultural and Resource Economics and Science (ABARES) (HYDE et al., 2016).
L’ABARES, qui a examiné les aspects qui ont influencé la variation des exportations de viande bovine du Brésil, de l'Argentine, de l'Uruguay, du Paraguay et de l'Australie entre 2000 et 2014. Pour ce faire, elle a pris en compte quatre facteurs : les coûts d'exportation, l'accès au marché, le taux de change réel et la croissance des revenus dans les pays importateurs (Figure 3) (HYDE et al., 2016).
Après le soja, les produits carnés constituaient le principal secteur d'exportation de l'agro-industrie brésilienne entre décembre 2020 et novembre 2021, avec un montant de 19,71 milliards de dollars US (17,51 milliards €) et une part de 16,7% de l'ensemble des exportations agricoles brésiliennes sur la même période. Le Tableau 1 montre la destination principale de la viande bovine brésilienne en 2021(MAPA, 2021).
Cependant, l'année 2021 a été marquée par le manque d'animaux pour approvisionner le marché national à la suite de la crise sanitaire du COVID-19 et du manque de pluie dans les principales zones de production du pays. Le niveau élevé des prix des bovins gras est resté supérieur à 23R$/kg (4,13 €/kg Carcasse) au cours du premier semestre. Les problèmes des producteurs se sont aggravés en septembre lorsque la Chine (qui a importé 50% des 1,27 million de tonnes exportées par le Brésil de janvier à septembre 2021) a suspendu ses importations en provenance du Brésil à la suite de deux cas atypiques d'encéphalopathie spongiforme bovine. Cela a eu un impact négatif important sur les exportations de bœuf brésilien au cours des derniers mois (-43% en volume et -31% en recettes), certains producteurs fonctionnant à des niveaux bien inférieurs à leur capacité (Malafaia et al., 2021a).
La Chine devrait rester le principal partenaire commercial de la chaîne de production de viande bovine brésilienne. Les progrès de la vaccination et la reprise des économies mondiales, malgré l'inflation mondiale prévue, maintiennent une perspective positive pour 2022. Cependant, l'inflation et le chômage devraient mettre sous pression la consommation de viande bovine au Brésil, qui représente 75% de la production totale (Malafaia et al., 2021a).
Outre la crise humanitaire, la guerre entre la Russie et l'Ukraine a entraîné des répercussions dans divers secteurs. Ce conflit devrait rendre la viande plus chère au Brésil dans les mois à venir, en raison d’une pression économique mondiale induite par la guerre. L'estimation a été réalisée par des experts de l'Institut de recherche économique appliquée (IPEA, 2021) - lié au ministère de l'économie - et par le cabinet de conseil agricole Safra & Mercado de CNN. En effet, la viande est affectée par l'instabilité des valeurs des produits agricoles, qui ont augmenté depuis le début du conflit Russo-Ukrainien. Sur le marché intérieur, le maïs et le blé - les principaux intrants utilisés dans l'alimentation animale - ont augmenté de 5% et de 3%, respectivement. Bien que le soja fasse preuve de stabilité dans la phase actuelle, le produit de base reste très valorisé depuis la fin de 2021 et avec des valeurs record au Brésil.
Le département de l'agriculture des États-Unis (USDA, 2021) classe le Brésil comme le premier exportateur de viande bovine en 2030, avec 29% des exportations mondiales, et lui prévoit une augmentation de 23,8% pour la prochaine décennie (USDA,2021). Les exportations brésiliennes toutes viandes confondues à la fin de la période de projection devraient atteindre 10,4 millions de tonnes. La plus grande partie devrait être du porc, soit une augmentation de 33,8%. Le reste de l'augmentation des exportations se répartira entre la viande de poulet (28,7%) et la viande bovine (30,5%). Les principaux marchés de la viande bovine devraient être la Chine, les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud. La Chine devrait importer 40% de la viande bovine exportée en 2030 ce qui constituera une bonne opportunité pour le Brésil, l'Argentine et les autres pays exportateurs. Selon l'USDA (2021), le Brésil devrait augmenter ses exportations de viande bovine de 48,5% au cours de la prochaine décennie.
Tableau 1. Pays importateurs de viande bovine brésilienne en 2021 (MAPA, 2021).
II.1. Système de classification actuel des bovins
Le système de classification des bovins est réglementé par le MAPA (ministère de l'agriculture, de l'élevage et de l'approvisionnement) par le biais du règlement N 9 du 4 mai 2004. Cette classification est basée sur les caractéristiques de qualité, de sexe, de maturité de l'animal, de poids et de finition de la carcasse.
Le sexe est vérifié par l'examen visuel des caractéristiques sexuelles des animaux, dans les catégories suivantes : mâle entier ; mâle castré ; génisse ; vache de réforme.
La maturité est vérifiée par l'examen des dents incisives, selon les catégories suivantes : dents de lait- animaux n'ayant que la 1èredentition, sans dents perçant la gencive ; deux dents - animaux ayant jusqu'à 2 dents complètement visibles, sans les premières dents médianes de la 1ère dentition ; quatre dents- animaux ayant jusqu'à 4 dents complètement visibles, sans les secondes dents médianes de la 1èredentition ; six dents - animaux ayant jusqu'à 6 dents complètement visibles, sans les coins tombants de la 1ère dentition ; ou huit dents - animaux ayant plus de 6 dents complètement visibles.
Le poids de la carcasse est déterminé par la pesée de la carcasse chaude (en kg).
L’adiposité de la carcasse est déterminée par l'observation de la répartition et de la quantité de graisse en différents endroits de la carcasse (au niveau des 6ème, 9ème et 12èmecôtes, des parties dorsale et ventrale du muscle grand dorsal et du muscle serratus dorsalis caudal, dans la région lombaire et sur le dessus), en établissant des catégories :maigre (1) - absence de graisse ; graisse maigre (2) - épaisseur de 1 à 3 mm ; graisse moyenne (3) – épaisseur de 1 à 3 mm ; graisse moyenne (3) - épaisseur supérieure à 3 et inférieure ou égale à 6 mm ; graisse uniforme (4) - épaisseur supérieure à 6 et inférieure ou égale à 10 mm ; - graisse excessive (5) - épaisseur supérieure à 10 mm.
L'instruction normative N 60, du 20 décembre 2018 établit le contrôle microbiologique dans la carcasse et la viande de bovins dans les abattoirs enregistrés auprès du Département d'inspection des produits d'origine animale (DIPOA) ; ceci dans les abattoirs de bovins dans les abattoirs enregistrés auprès du Département d'inspection des produits d'origine animale (DIPOA) ; ceci afin d'évaluer l'hygiène du processus et de réduire la prévalence des agents pathogènes. À cette fin, le contrôle microbiologique est effectué par le biais de la collecte d'échantillons pour l'analyse afin de déterminer la présence d'Enterobacteriaceae et de Salmonella Spp. ainsi que pour la collecte d'échantillons pour l'analyse d'Escherichia coli producteur de Shiga toxines.
II.2. Programmes d’évolution de la qualité
Une partie importante de l'évolution de l'élevage brésilien s'est produite au sein des élevages eux-mêmes, avec la participation de différents segments de la société qui recherchent la productivité, la qualité et la durabilité de la production. Parmi eux, les institutions scientifiques et technologiques, l'enseignement, l'industrie, les associations de producteurs, les organisations non gouvernementales, entre autres, ont pris des initiatives qui contribuent grandement à des augmentations de qualité dans la chaîne de production de viande bovine. Une amélioration continue de la qualité de la viande est recherchée, tant par l'industrie frigorifique que par les initiatives gouvernementales, pour répondre aux exigences du marché et des consommateurs. Différents programmes tels que le Pacto Sinal Verde "Le Pacte Signe Vert", Programa de Novilho Precoce "la viande bovine précoce" et Selo Carne Carbono Neutro "le sceau de la viande neutre en carbone" sont des exemples d'efforts dans ce sens. Les avantages de ce type d'initiative sont multiples. En plus de valoriser les producteurs qui produisent mieux, ils ont pour ambition d’accroitre la qualité de la viande bovine pour le consommateur, en plus de répondre aux aspects environnementaux et économiques (EMBRAPA, 2021).
Le Pacte Signe Vert a pour objectif d'atteindre 100% d'abattage typé, c'est-à-dire de classer la carcasse bovine en normes indésirables, tolérables et souhaitables, de mesurer la qualité de la gestion, de fournir une cartographie de la production, de promouvoir la production durable, de fidéliser les consommateurs et d'ouvrir de nouveaux marchés. Grâce aux actions proposées par cette initiative, la chaîne de production de viande bovine pourra mesurer la qualité de la gestion, les conditions du réseau routier, ainsi qu'encourager l'amélioration de la qualité sanitaire des troupeaux.
Le programme Viande bovine précoce accorde des incitations fiscales aux producteurs qui parviennent à produire des jeunes animaux présentant une bonne finition de carcasse. Cela a contribué à réduire l'âge d'abattage des animaux de 48 à 36 mois en moyenne, ainsi que l'amélioration d'autres facteurs tels que l'amélioration des pâturages, et les techniques de génétique, de nutrition, de reproduction, de santé et de gestion des troupeaux.
La « Viande Carbone Neutre » est un concept-marque, paramétrable et auditable, qui vise à certifier la viande bovine produite dans des systèmes intégrés de type sylvopastoral (élevage-foresterie) ou agro-sylvo-pastoral (culture-élevage-foresterie), à travers l'utilisation de protocoles spécifiques qui permettent le processus de certification. Son principal objectif est de garantir que les animaux à l'origine du produit voient leurs émissions de méthane entérique compensées, au cours du processus de production, par la croissance d'arbres dans le système. (EMBRAPA, 2021).
La chaîne d'approvisionnement en bovins de boucherie brésiliens a connu une modernisation technologique de ses systèmes de production, ce qui a permis d'améliorer la productivité, la qualité de la viande et la compétitivité. Cette évolution technologique découle des nouvelles pratiques de gestion, de l'amélioration génétique des animaux, des progrès en matière de nutrition et de méthodes de pâturage, d’une prise de conscience des responsabilités environnementales et sanitaires, mais aussi des barrières commerciales auxquelles se heurtent les évolutions du secteur. En pratique, de nouveaux outils (balances électroniques, collier et puce électroniques, stations météorologiques, contrôle du bétail par drones) sont de plus en plus utilisés (Malafaia et al., 2020a).
L’étude de Malafaia et al. (2021b) a identifié les tendances de la chaîne d'approvisionnement en viande bovine brésilienne, projetées jusqu'en 2040, en se basant sur la méthode Delphi pour identifier les défis. Cette méthode permet de recueillir des opinions d'experts et conduit à des résultats robustes sur des sujets d'enquête complexes (Landeta, 2006 ; Rikkonen et al., 2006). En conséquence, des scénarios ont été créés et dix priorités ont ainsi été définies, comme suit 1) progrès biologiques dans la gestion des déchets ; 2) transformation biotechnologique de l'élevage bovin ; 3) moins de pâturage et plus de viande ; 4) bien-être animal ; 5) élevage bovin consolidé avec les principales parties prenantes ; 6) abattoirs plus naturels et de meilleure qualité ; 7) viande avec appellation d'origine ; 8) technologie numérique transformant l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement ; 9) disponibilité de la main-d'œuvre qualifiée ; 10) le Brésil en tant que grand exportateur de viande et de génétique. Selon ces chercheurs, dans le scénario international, le Brésil pourrait être un exportateur majeur de viande et probablement de génétique animale spécialisée et à valeur ajoutée (Landeta, 2006 ; Rikkonen et al., 2006). Les progrès mondiaux dans la chaîne d'approvisionnement viendront d'une production animale hautement technique, professionnelle et compétitive, fondée principalement sur la technologie et la qualité.
Selon l'OCDE/FAO (2020), la consommation de viande bovine devrait augmenter au cours des dix prochaines années et représenter ainsi 16% de l'augmentation totale de la consommation de viande. Dans les pays en développement, la consommation reste plus faible, environ un tiers du volume consommé par habitant dans les pays développés. L'Asie est la seule région pour laquelle une augmentation de la consommation par habitant est prévue. Plusieurs pays dont la consommation de viande bovine est élevée verront leur consommation diminuer, en raison de la consommation de viandes moins chères, de porc et de volailles.
De plus, la pandémie de COVID-19 a provoqué des changements dans le repas brésilien moyen avec une diminution de la consommation de viande bovine. Parmi les différents facteurs qui affectent la demande de viande bovine, les plus importants sont les facteurs économiques, tels que le revenu de la population, le prix de la viande bovine et le prix des protéines concurrentes. Au Brésil, la consommation intérieure, qui représente 79,6% de la production totale dans le pays, est en baisse. La pandémie a entraîné des changements dans les habitudes de consommation en raison de l'adoption de mesures sanitaires préventives, principalement la mise en quarantaine. Les ventes du secteur de restauration ont chuté jusqu'à 65%, mais dans les petits, moyens et grands détaillants, une tendance inverse a été observée. Les consommateurs ont commencé à acheter davantage dans les supermarchés et les marchés locaux, parce que la consommation hors foyer a chuté et, que cela a eu un impact sur les ventes au détail, entraînant une rétractation dans l'achat de viandes nobles, avec moins d’impacts pour les autres coupes dont le prix est plus faible (Malafaia et al., 2021a ; Bizinoto et al., 2020).
Toutefois, la consommation de viande bovine devrait se renforcer dans un avenir proche. Selon les scientifiques de l'Embrapa Gado de Corte, on s'attend à une croissance constante avec l'augmentation des revenus et des préférences alimentaires. La tendance à la "premiumisation" (démarche qui consiste à faire monter en gamme un produit ou service existant en raison notamment d’une perception de plus de santé, de qualité et d'expérience positive) sera également forte dans la viande bovine, générant des opportunités pour les projets de viande de qualité et marques conceptuelles (Malafaia et al., 2021a ; Bizinoto et al., 2020).
Malgré les efforts de la filière pour contrôler la qualité de la viande bovine, il existe toujours une variabilité élevée dans sa palatabilité, ce qui est l'une des raisons de l'insatisfaction des consommateurs. En ce sens, la demande croissante de consommation de viande bovine de qualité dont les attributs sensoriels répondent aux attentes des consommateurs a motivé les chercheurs australiens à développer en 1996 la méthode MSA bien connue dans la littérature scientifique au Brésil. Ce système est basé sur le développement d’une grande base de données de recherche. Il comprend également un système de test à grande échelle avec des consommateurs de morceaux de viande préparés de différentes manières. Outre les résultats de ces tests, la base de données comprend des informations précises sur les animaux, les carcasses et les morceaux de viande. Ainsi, le volume de données disponibles permet non seulement d'établir des corrélations statistiquement solides entre divers facteurs et les caractéristiques de qualité de la viande bovine, mais aussi de mieux comprendre la variabilité de la qualité de la viande en fonction de divers critères (race, âge, sexe, pH, persillé, etc.) (Farmer et Farrel, 2018 ; Liu et al., 2021).
Le système utilise donc des analyses statistiques avec ces données pour identifier les points de contrôle critiques de la palatabilité de la viande bovine, qui est ainsi indiquée pour chaque muscle avec des durées de maturation différentes et pour des méthodes spécifiques de préparation (Watson et al., 2008).
Ainsi, la méthode MSA a le potentiel de détecter la variabilité de la qualité au sein du muscle et de déduire la cuisson appropriée de la viande bovine, grâce à des informations sur l'animal correspondant ainsi que les facteurs post-abattage. Cette méthodologie s'est avérée efficace pour prédire la qualité en bouche de la viande bovine non seulement en Australie, mais aussi dans un large éventail de pays et de systèmes de production en Europe. Plusieurs autres pays (Farmer et Farrel, 2018) ont testé avec succès le système MSA notamment la Corée du Sud (Thompson et al., 2008), les États-Unis (Smith et al., 2008), le Japon, l'Irlande du Nord, la République d'Irlande (Hocquette et al., 2011), la France (Legrand et al., 2013), la Nouvelle-Zélande ainsi que la Pologne (Pogorzelski et al., 2020).
La méthode MSA de prédiction de la qualité sensorielle de la viande bovine vise à fournir pour la première fois au Brésil une classification robuste des carcasses pour prédire la qualité sensorielle de la viande bovine, comme cela a été fait en France (Ellies-Oury et al., 2020 ; Liu et al., 2021 ; Hocquette et al., 2020). De cette manière, on s'attend également à ce que la mise en œuvre de cette méthodologie améliore la qualité sensorielle grâce à la sélection génétique et génère une plus-value pour les transformateurs et les producteurs en fonction du potentiel de qualité organoleptique (Legrand et al., 2013).
Les résultats attendus du développement et de l'application de la méthode MSA, ainsi que de l'évolution du secteur pour la prédiction de la qualité sensorielle de la viande bovine au Brésil, auraient potentiellement des impacts positifs sur les plans : économique, social, scientifique et technologique.
Comme nous l'avons souligné tout au long de cet état des lieux, la chaîne de production de viande bovine brésilienne se distingue au niveau international. En effet, le Brésil a démontré qu'il était une nation capable de contribuer à nourrir le monde, en étant chaque année plus productif, et en consolidant ses parts de marché. Cependant, il est nécessaire de rechercher une amélioration continue afin d’acquérir une excellence technique et donc économique tout au long de la chaîne de production. Les perspectives d’évolution de la filière viande bovine sont prometteuses au Brésil pour les années à venir.
Par conséquent, il est important de développer la recherche et l'innovation pour obtenir des résultats encore plus performants pour l'élevage bovin brésilien, en vue de sa consolidation au niveau mondial. Dans ce contexte, la mise en œuvre de la méthodologie MSA apporterait une valeur ajoutée à la chaîne de transformation de la viande bovine en améliorant la qualité sensorielle de la viande, la sélection génétique et en rémunérant les transformateurs et les producteurs en fonction de la qualité en bouche des viandes produites.
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