Les défis de la filière viande bovine algérienne face à une hausse régulière de la consommation.
INTRODUCTION
Le développement de l’élevage bovin a toujours constitué une priorité pour l’Algérie pour répondre aux besoins de la population en protéines animales (Ubifrance, 2014). C’est le cas particulièrement pour les régions du Nord du pays, qui sont considérées comme étant de grandes consommatrices de viandes rouges. Le taux d’autosuffisance en viande bovine est de 55%. La viande bovine et les animaux vivants ne représentent que 4% des importations des produits agricoles et agroalimentaires opérés par l’Algérie. Mais elles sont appelées à croître fortement en raison de l’appétit croissant des consommateurs et de la pression démographique. La production de viande bovine a augmenté de 30 % entre 2010 et 2018 (ONS, 2020), mais insuffisamment pour répondre à la demande des consommateurs Algériens. C’est dans ce contexte que l’ouvrage "La filière viande bovine en Algérie" édité par la maison d’édition L’Harmattan dresse le panorama actuel de l’élevage bovin, de la transformation et de la distribution de la viande bovine en Algérie. L’ouvrage comprend sept chapitres principaux (Sadoud et Hocquette, 2022).
I. ETAT ET CARACTERISTIQUES DE LA FILIERE VIANDE BOVINE
L’élevage bovin en Algérie occupe une place importante dans la consommation de viande algérienne et contribue fortement à l’économie nationale. Il constitue la deuxième espèce pourvoyeuse en viande rouge pour le consommateur algérien après l’ovin, avec une part de l’ordre de 23%, D’après les statistiques de la FAO (2018), l’Algérie compte environ 2 millions de têtes bovines pour 125 000 tonnes de viande bovine produites. Les élevages de bovins algériens produisant de jeunes bovins pour la viande demeurent peu nombreux. En 2016, les jeunes bovins mâles destinés à la production de viande représentaient un quart du cheptel bovin national, soit un peu plus de 500 000 têtes (ONS, 2016). Dans les régions du Nord du pays fortement consommatrices de viande bovine où l’offre peine à répondre à une demande croissante, le pays importe de jeunes bovins sevrés, particulièrement durant les périodes de fêtes.
La part des dépenses de consommation des ménages pour la viande de bœuf représente 54% des dépenses totales consacrées aux viandes rouges, contre 23% pour la viande ovine. Le reste, soit 23%, est constitué des viandes des autres espèces. Ainsi, le ménage urbain consacre environ deux tiers de ses dépenses dans ce domaine pour les viandes de bœuf. Le reste est réparti de manière égale entre viande ovine et les viandes des autres espèces. En l’espace d’environ quinze ans (2001-2016), le kilo de viande est passé de 600 DA (Dinars algérien : monnaie algérienne) (4,3 €) à 1000 DA (7,3 €), avec un accroissement annuel de l’ordre de 26,6 DA. Cette accélération s’explique par la forte demande générée par l’augmentation du revenu des différentes catégories sociales et le changement du modèle de consommation algérien.
De même, les prix des différentes catégories qui sont steak, viande hachée et viande avec os ont été multipliés par trois durant la période (2001-2019). Ils sont passés de 652 DA (4,6 €) à 1690 DA (12 €) entre 2001 et 2019 pour le beefsteak, de 540 DA (3,8 €) à 1698 DA (12,2 €) pour la viande hachée pour la même période et de 426 DA (3 €) à 1152 DA (8,3 €) pour la viande sans os. L’écart entre steak et viande hachée est de presque 200 DA (1,5 €), et entre la viande avec os et sans os de 540 DA (3,8 €) (ONS, 2020). Les dérivés de la viande bovine sont constitués des abats, des fressures et des viscères. Les prix de ces produits suivent la même tendance que ceux de la viande bovine. La tendance générale de l’évolution des prix de détail entre 2001 et 2019 est à la hausse pour le foie de bœuf. En effet, dans cet intervalle, le prix de ce dernier a été multiplié par 3, passant de 839 DA (6 €) à 2784 DA (19,9 €). De même pour les prix à la consommation des merguez et tripes qui passent de 366 (2,6 €) à 1128 (8 €) pour le premier type et de 122 (0,9 €) à 371 DA (2,6 €) pour le deuxième type (ONS, 2020).
III.1. Les producteurs
D’après une étude menée dans le bassin du Grand Cheliff au Nord de l’Algérie, lieu d’approvisionnement de la population des régions du Nord en bovin viande, il existe trois classes de producteurs de bovins viande.
La première est constituée de petits producteurs possédant un effectif de 10 vaches laitières au plus et une superficie inférieure à 10 ha. Généralement, ils engraissent les veaux de leurs propres exploitations. La durée d’engraissement est de deux à trois mois après un pâturage de 12 mois. La vente des taurillons s’effectue entre l’âge de 18 à 24 mois au niveau du marché aux bestiaux aussi bien à des maquignons qu’à des bouchers.
La deuxième classe, celle des producteurs moyens, possède une superficie entre 10 à 30 ha et une moyenne de 10 UGB (unité de gros bétail). Les producteurs engraissent les animaux nés dans l’exploitation, aussi bien des mâles (veaux, taurillons et bœufs) que des femelles (vaches de réforme). La durée d’engraissement des taurillons varie de 4 à 6 mois. Les ventes s’effectuent à l’âge de 18 à 24 mois et même parfois à 30 mois. Les animaux vendus sont destinés à des maquignons, des bouchers ou des éleveurs. Certains d’entre eux achètent des veaux à l’extérieur de l’exploitation pour les engraisser.
La troisième classe est celle des exploitations de grande taille avec une superficie supérieure à 30 ha et un effectif qui dépasse les 15 vaches. Ils élèvent des animaux mâles et femelles qui sont nés au niveau de leur exploitation. La durée d’engraissement des mâles est de 6 à 9 mois, l’âge à la vente est d’environ 18 à 24 mois et celle-ci s’effectue auprès des maquignons ou des bouchers. Certaines d’entre elles pratiquent également la vente de veaux après un sevrage tardif en lots de 5 à 10 têtes aux maquignons.
L’analyse globale montre que le prix de revient moyen de l’ensemble des classes d’élevage retenues est de l’ordre de 533,6 DA/Kg vif (3,8 €). Les exploitations de la classe A affichaient le prix de revient le plus faible qui est de l’ordre de 465 DA/Kg (3,3 €), suivies par les exploitations de la classe B avec 563-DA /Kg (4 €), puis les exploitations de classe C avec un prix de revient de l’ordre de 573 DA/Kg vif (4,1 €).
La moyenne de la marge brute a été de 78 241 DA / tête (558,9 €). Elle varie entre un minimum de 60 706 DA/tête (433,6 €) pour les exploitations appartenant à la classe C à un maximum de 91 486 DA/tête (653,5 €) pour les exploitations du groupe B. Ainsi, le taux moyen de la marge réalisée par éleveur par rapport au coût de revient est de 26.4%.
III.2. Les collecteurs
Les collecteurs sont aussi appelés les maquignons. Ce sont des intermédiaires exerçant la fonction de médiateur entre les producteurs et les transformateurs. En Algérie, ce réseau de commerçants spécialisés assure la fluidité de l’activité et achemine les animaux vers les grands centres de consommation. Ils achètent les animaux sur pied (en gros) et les vendent également sur pied (au détail) aux chevillards dans les grands centres de consommation et directement aux bouchers dans les petits centres de consommation.
Une étude a permis d’interroger 14 maquignons exerçant l’activité dans la région de bassin du Cheliff. Il en ressort que la marge moyenne par maquignon est de l’ordre de 78 137 DA par mois (558,1 €). Elle varie d’un minimum de 18 750 DA (134 €), à un maximum de 196 916 DA (1406 €). Cette marge se situe à un niveau moyen de l’ordre de 13 577 DA/ tête (96,9 €), variant entre 9 375 DA/tête (67 €) et 24 614 DA/tête (175,8 €). La marge moyenne annuelle par maquignon est de l’ordre de 557 000 DA par maquignon (3978,6 €), soit un taux de 21% du coût total par kilo de bovin viande.
Selon une étude menée dans la région du Grand Cheliff productrice et consommatrice de viande bovine, auprès de 36 bouchers sur les 80 que compte la région, l’analyse de la marge mensuelle pour la viande bovine fait ressortir que son niveau moyen est de 45 000 DA (321,5 €) par boucher, ce qui représente un taux de 12% du cout total par kilo du bovin viande. Cette marge atteint son maximum durant le mois d’octobre à environ 115 000 DA (821,4 €), soit environ trois fois la moyenne mensuelle, pour se réduire à 82 000 DA (585,7 €) au mois de janvier, avant de baisser jusqu’à 22 000 DA (157,1 €) pendant les mois de février et mars. Les niveaux élevés des mois d’octobre et de janvier s’expliquent par leur coïncidence avec les périodes religieuses, caractérisées par une forte consommation de cette viande.
V.1. Les structures de regroupement
Les marchés aux bestiaux et les abattoirs sont des maillons importants de la filière viande en Algérie. L’étude du secteur s’est appuyée sur le marché du Grand Cheliff, de grande taille au niveau national, du point de vue des flux des animaux et aliments pour animaux. On enregistre un niveau d’offre de l’ordre de 2000 têtes durant le mois d'octobre qui s'explique par la forte demande de viande de cette espèce dès l'automne. La demande est stationnaire le reste de l’année, aux environs de 1 000 têtes par mois.
Les mâles de races améliorées prédominent dans l’offre par rapport aux races locales et modernes de type européen. Les mâles représentent 70% des effectifs échangés, les taurillons étant les plus représentatifs, les femelles représentant les 30% restant, avec un taux élevé de génisses. L'éloignement des zones de production des centres de consommation, les incertitudes qui pèsent sur la production fourragère et la dispersion de l'offre des animaux donnent à la structure des marchés un caractère segmenté. La régularité des transactions et la pérennité des flux s’appuient sur des réseaux d'échange assis sur une connaissance mutuelle des acteurs et des conventions tacites. Ce sont ces réseaux qui donnent aux marchés une complémentarité permettant l'ajustement des flux sur les différents marchés.
Ce mode de fonctionnement permet aux agents une certaine adaptation en fonction de leur capacité propre. Il induit cependant des comportements spéculatifs fortement déterminés par les seuls signaux du marché. Le niveau du prix du bovin se caractérise par des fluctuations annuelles, saisonnières, d’une semaine à l’autre et pendant la même journée. Ces fluctuations se traduisent par une baisse des prix quand l’offre est importante et une hausse quand elle est moins importante. Les fluctuations annuelles sont fonction du régime de précipitations et des incidences de la sécheresse. Le niveau des prix augmente en période pluvieuse. L’offre destinée à l’échange est alors moins importante puisque la majorité des éleveurs préfèrent garder leur cheptel et engraisser leurs animaux. En revanche, en période de sécheresse, les tendances sont inversées. On assiste alors à une décapitalisation du cheptel pour faire face aux charges d’alimentation élevées et c’est durant ces périodes que les bouchers et les intermédiaires trouveront leur compte.
Les prix sont conditionnés par les périodes de mises-bas et les disponibilités en fourrages. Les femelles reproductrices sont vendues à des prix élevés durant toute l’année. Ces prix connaissent une légère augmentation dès le début de l’automne qu’il s’agisse de la catégorie de vaches ou de celles de génisses. Pour la catégorie de vaches suitées (ayant mis bas), les prix varient entre 200 000 (1428 €) et 250 000 DA (1785 €) par tête, de 150 000 (1071 €) à 200 000 DA (1428 €) pour les vaches pleines et de 120 000 (857 €) à presque 200 000 DA (1428 €) pour les vaches vides. Pour les génisses pleines, les prix varient de 100 000 (714,3 €) à 150 000 DA (1071 €) et de 100 000 (714 € à 130 000 DA (929 €) pour les génisses vides. Quant aux catégories de taurillons et veaux, leurs prix connaissent une tendance à la hausse dès l’arrivée de l’automne, due à l’insuffisance de l’offre et à l’augmentation de la demande à partir de cette période. Cette augmentation des prix est de l’ordre de 50 et 70% pour la catégorie des veaux et taurillons, avec un prix moyen annuel de 100 000 DA/tête (714,3 €) pour la première catégorie et de 150 000 DA/tête (1071,1 €) concernant la deuxième catégorie, qui est celle des taurillons (Sadoud et al., 2015).
Les prix des aliments des animaux dépendent de deux principaux facteurs : l'année climatique (qui explique les fortes variations de prix, pouvant être multipliés par deux ou trois fois d’une saison à l’autre) et la pratique du stockage des aliments développée par les commerçants (Sadoud, 2004 ; Sadoud, 2015). Sur les marchés, les prix atteignent leur maximum d'octobre à mars pour l’orge (2 000 DA (14,3 €) à 3 400 DA/Ql) (24,3 €) et pour le son (2 000 (14,3 €) à 2 600 DA/Ql) (18,6 €). Pour la paille et le foin, les plus hauts prix sont atteints entre octobre à janvier (120 (0,8 €) à 400 DA/botte (2,8 €) pour la paille et 300 (2,1 €) à 800 DA/botte (5,7 €) pour le foin). Ces niveaux de prix élevés s’expliquent par la faiblesse des stocks et par la demande importante exprimée sur le marché. A partir du mois d’avril, on assiste à une stabilisation des prix liée à la disponibilité fourragère.
V.2. Les structures de transformation
La longueur du circuit vif caractérise le marché algérien. Les abattoirs, en effet, se répartissent beaucoup plus en fonction des grands centres de consommation qu’en fonction des zones de production. On estime généralement que les expéditions de bétail sur pied, à partir des grandes régions productrices, sont trois fois plus importantes que celles des carcasses. L’étude des abattoirs, de leur répartition, de leur statut et de leur fonctionnement s’impose. Il existe trois types de lieux d'abattage en Algérie :
1. Les abattoirs, au nombre de 64, qui ont été construits ou reconstitués après l'indépendance et qui comportent une chaine d'abattage mécanisée ou semi-mécanisée, et qui sont généralement répartis sur le territoire national dans les villes.
2. Les abattoirs ruraux (tueries) qui sont en nombre très élevé dans chaque wilaya (département), dont l'abattage s'effectue dans des conditions d'hygiène insuffisantes. La plupart ne fonctionnent pas selon les normes, ce qui influence par la suite sur la qualité de la viande. On compte 323 tueries de ce type réparties sur l’ensemble du territoire.
3. Des complexes d'abattage (industriels) ont été construits récemment en Algérie. Ils sont dotés d'une grande capacité d'abattage et possèdent des structures modernes : tunnels de congélation, entrepôts frigorifiques, ateliers de découpe ...etc. Ces usines sont au nombre de 3 (EL Bayadh, Djelfa, Oum El Bouaghi) et le quatrième est localisé à Annaba (Sadoud, 2015). Le taux d'utilisation des abattoirs reste faible par rapport à leur capacité en raison de l'insuffisance des infrastructures. Ceci dit, l’investissement en matière d’abattoirs est très faible. La gestion de ces derniers est assurée par les municipalités. Le transport des animaux vivants est assuré par les camions de transport du bétail, depuis les établissements d’élevage ou les marchés jusqu’aux abattoirs et tueries.
Les abattoirs sont généralement répartis sur tout le territoire national. Cependant, leur répartition nous montre une concentration relativement forte dans l'ensemble des wilayates (département) du Nord (qui correspondent aux principaux centres de consommation), notamment dans la région centre où ils sont fortement représentés. Ces abattoirs sont installés près des lieux de consommation, à proximité des centres urbains. En revanche, leur densité est moindre, en allant vers les zones steppiques.
Nous avons examiné dans ce chapitre les facteurs de compétitivité hors coûts de la filière viande bovine algérienne et celle des pays concurrents (considérés comme des facteurs exogènes) et mesuré la compétitivité liée aux coûts internes (considérés comme des facteurs endogènes).
VI.1. Faiblesses exogènes
Les atouts de compétitivité dont dispose la filière viande bovine en Algérie paraissent réduits compte tenu des contraintes qui pèsent sur sa capacité concurrentielle. En outre, l'environnement économique, les facteurs sociaux, les facteurs territoriaux, l’organisation et l'articulation des différents maillons de la filière demeurent peu favorables.
VI.1.1. Faiblesse de la filière viande bovine
Le marché intérieur de la viande bovine en Algérie demeure isolé du marché mondial. Il est fortement rémunérateur, du fait du maintien de la demande à un niveau relativement élevé et en dépit du poids grandissant des importations de viande rouge bovine congelée. Celles-ci n'ont plus pour fonction d'élever le niveau de consommation en protéine animale, mais de résorber les fortes tensions des périodes de demande élevée et le maintien d'un niveau d'approvisionnement suffisant des collectivités, dont le rôle social est vital. C'est une filière fortement dépendante des aléas climatiques, en raison d’un déficit alimentaire et d’un recours aux importations d'orge à des prix élevés. En raison de l’augmentation des prix de la viande locale, l’importation nationale en viandes bovines est devenue un impératif pour réguler le marché où la flambée des prix devient monnaie courante, notamment à l’approche du Ramadan et des fêtes (Sadoud, 2016). A cet effet, la France demeure le principal fournisseur de l’Algérie en bovin vivant avec 40 000 têtes (hors reproducteurs) en 2013 (Beaumond et Chotteau, 2014 ; Institut de l’élevage, 2014).
VI.1.2 Fragilité liée à l’organisation de la filière
La filière en Algérie est au carrefour de mutations importantes qui posent un véritable problème de survie de la filière. Actuellement, les conditions sont favorables à l'organisation de cette filière à travers la création d'un office national interprofessionnel des viandes (ONILEV), qui doit devenir l'espace de concertation qui manquait aux professionnels des filières viande (MADR, 2012), en plus des mesures favorables à la régulation du marché de la filière viande, avec un programme de renforcement des moyens de stockage sous froid destinés aux viandes rouges. On estime les capacités frigorifiques publiques qui peuvent servir à l’entreposage des viandes à 274 400 m3, avec une capacité de stockage frigorifique par abattoir de l’ordre de 360 m3. Cela correspond à 28000 m3 pour les 78 abattoirs répartis à travers le pays, soit 72 tonnes pouvant être réfrigérées par abattoir, ce qui représente 5600 tonnes pour les 78 abattoirs (Sadoud, 2017 ; Sadoud, 2009).
VI.1.3. Des structures agraires peu adaptées pour des ateliers bovin viande
Dans les fermes privées, la taille moyenne des élevages est de 15 têtes (de race Pie rouge et pie noire). En dessous de cette taille critique, la rentabilité du cheptel devient alorss faiblement rémunératrice pour l'éleveur. Le manque de ressource fourragère représente la contrainte majeure au développement des productions bovines algériennes. Un financement est prévu pour l'acquisition des équipements d'irrigation ; des primes de 5.000 DA/ha (47 €/ha) sont aussi accordées pour la production fourragère, pour la construction de silo ou pour produire l'ensilage. Malgré ces encouragements, la dépendance algérienne en céréales importées représente 30% pour l’alimentation animale. Des quantités très importantes d’orge, de mais, de semences d’avoine et d’aliments composés pour bovin sont importées pour combler le déficit fourrager (Sadoud, 2017).
VI.1.4. Problèmes d’organisation des marchés aux bestiaux
Dans toutes les régions de l'Algérie, les animaux changent plusieurs fois de mains au cours de leur vie avant d'être abattus ; mais la dernière vente pour l'abattage a lieu très généralement sur le marché (Boutonnet, 1994). Les conditions de transaction souffrent du manque d’investissement dans l’aménagement et l’équipement des marchés : quais de chargement et déchargement, bascules, organisation de la circulation des animaux et des opérateurs, etc. Cependant, il faut mettre en place un programme d’aménagement de ces marchés par les pouvoirs publics, ce qui nécessite une bonne connaissance du marché des viandes et de leurs spécificités et disponibilités.
VI.1.5. Une filière qui demeure traditionnelle
D’après l'étude des circuits de distribution dans la région algérienne de Chlef par (Sadoud, 1998), on peut dire que le secteur artisanal, représenté par la boucherie traditionnelle, est le circuit de transformation le plus développé, couvrant le plus d'espace, et constitué d'unités personnelles et familiales, de taille petite ou moyenne. Les échanges se font selon l'offre et la demande, les transactions s'effectuant entre boucher et maquignon, l’approvisionnement s’effectuant en vif, selon les capacités de stockage de chacun et les fréquences d'achat (Sadoud et al., 2014).
VI.2. Facteurs endogènes
L’un des indicateurs de comparaison demeure les coûts de production. Ces derniers peuvent varier en fonction de plusieurs facteurs et notamment de la localisation géographique, de la taille des exploitations et la nature intensive ou extensive de la production.
La présente analyse est conduite avec les résultats issus des différents travaux publiés par l’Institut de l’élevage français, les notes et études économiques ainsi que d’autres organismes internationaux (IFCN) d’une part et les résultats obtenus au cours de notre enquête au niveau de la région du grand Cheliff, d’autre part.
Selon l’étude de l’Institut de l’élevage de comparaison internationale des coûts de production animée par « the Institute of farm Economics (VT Institute) » (Allemagne), les charges des exploitations des différents pays grands producteurs de viande bovine varient du simple au triple. Elles se situent en effet aux environs de 233 et 221 €/100 vifs en Espagne et en France, contre seulement 73 et 81 €/100 vifs en Argentine et au Brésil. Il existe des écarts importants de coûts de production entre les exploitations des pays européens et de ceux des autres continents qui sont l’Amérique latine (Brésil et Argentine) et l’Amérique du Nord (USA). En comparaison avec les résultats de notre enquête, les deux régions chélifiennes affichent un désavantage clair en termes de coûts et pour tous les types d’élevages identifiés, comparés aux données rapportées par l’Institut de l’élevage. La moyenne affichée par l’ensemble des élevages algériens reste élevée, huit fois supérieure aux exploitations argentines et brésiliennes et américaines et deux fois supérieure à celle des exploitations européennes.