La revue Viandes et produits carnés

La revue française de la recherche en viandes et produits carnés  ISSN  2555-8560

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 PROCESS ET TECHNOLOGIES

 
 

Le gène de sensibilité à l'halothane

Résumé de l'article |

Effet du génotype halothane sur les performances de croissance, qualités de carcasse et de viande

 Depuis le début des années 2000, l’utilisation du Piétrain en tant que verrat terminal dans les élevages de production ne cesse de progresser. Cet essor repose d’une part sur la réputation d’une plus grande résistance des issus Piétrain à la maladie d’amaigrissement du porcelet et d’autre part sur des considérations économiques d’autant plus importantes depuis le changement de grille de paiement des carcasses intervenu fin 2006. L’allèle de sensibilité à l’halothane n est en ségrégation dans la race « Piétrain collectif français » – cela signifie que trois génotypes coexistent (NN, Nn et nn). Quelles influences cet allèle a-t-il sur les performances ?

gene sensib image redLa race Piétrain est apparue vers 1920 dans une petite commune de Belgique qui lui a donné son nom. Une majorité d’experts s’accorde à dire qu’une mutation est à l’origine de sa musculature exceptionnelle. Introduite en France vers 1950, cette race a connu un regain d’intérêt à partir de 1980 avec le développement de plans de croisement qui ont permis de tirer avantageusement parti de ses particularités mais c’est surtout depuis le début des années 2000 que son utilisation en tant que verrat terminal a connu une évolution croissante (Figure 1).
La découverte d’un test de biologie moléculaire en 1991 (Fuji et al., 1991) a permis de distinguer trois génotypes les homozygotes résistants (NN), les hétérozygotes résistants (Nn) et les homozygotes sensibles au stress (nn). L’allèle de sensibilité à l’halothane est en ségrégation dans la population collective française Piétrain, ce qui signifie que les trois génotypes, dans des proportions non équilibrées, sont présents dans cette population.


gene sensib fig1 redLes effets de l’allèle de sensibilité à l’halothane ont été étudiés depuis une trentaine d’années et il est bien établi que cet allèle a une influence sur les caractères de carcasse et de qualité de viande (Aalhus et al., 1991 ; Guéblez et al., 1995 ; Hanset et al., 1995 et Larzil et al., 1997). Cependant, les résultats de ces études antérieures sont basés sur des performances d’animaux croisés et l’effet de l’allèle de sensibilité à l’halothane a pu être affecté par la sélection. Ainsi, l’objectif de cette étude est de comparer les performances zootechniques d’animaux de race pure des trois génotypes et d’estimer le rôle joué par l’allèle n sur les performances des animaux.

Le rôle des stations publiques de contrôle de performances

La mise en station de porcelets issus des élevages de sélection est un élément du dispositif d’évaluation national du potentiel génétique des animaux : le contrôle des performances en élevage de sélection des candidats à la reproduction mâles et femelles (tétines, croissance, épaisseur de lard et de muscle) est complété par le contrôle d’un nombre plus restreint d’animaux sur des performances complémentaires (consommation alimentaire, qualité de viande, poids des pièces de découpe,...). Les stations permettent ainsi de récolter sur un échantillon réduit d’animaux, dans un environnement commun, des mesures qui ne peuvent être réalisées en routine en élevages de sélection. Les stations en activité étaient au nombre de 13 en 1979, elles ne sont plus que deux depuis 2008 : Le Rheu (35) et Mauron (56), soit une capacité de contrôle de 2 500 animaux par an. Les stations publiques porcines sont ouvertes à tous les opérateurs génétiques français.

MATERIELS ET METHODES

Origine des animauxgene sensib fig2 red

Les données utilisées dans cette étude ont été collectées dans les trois stations publiques de contrôles de performances (Argentré, Le Rheu et Mauron) entre 2002 et 2008. Les animaux, uniquement des femelles Piétrain, ont été fournis par sept élevages de sélection adhérents aux organisations de sélection ADN (2 élevages), BPS (1 élevage), Gène ÷ (2 élevages) et Nucléus (2 élevages). Les animaux d’un même élevage ont été contrôlés dans au moins deux stations. Le génotype halothane des animaux (NN : homozygote halothane négatif ; Nn hétérozygote halothane négatif ; nn : homozygote halothane positil) était soit déduit à partir du génotype des parents soit, si la déduction n’était pas possible, déterminé par un test ADN (Fuji et al., 1991).
Pour éviter la confusion entre l’élevage fournisseur et le génotype des animaux, seuls les élevages ayant entré des animaux d’au moins deux génotypes halothane différents ont été conservés dans le jeu de données. Au total, les performances de 1 557 femelles Piétrain (128 NN, 334 Nn et 1095 nn) issues de 399 verrats pères ont été prises en compte dans cette étude (Figure 2).

Modalités de contrôle en station

Les bandes de contrôles intra type génétique étaient constituées d’au moins 36 animaux nés sur une période de deux semaines et issus de trois élevages de sélection. L’allotement en cases d’engraissement était fonction de l’élevage fournisseur. Les animaux, engraissés dans des cases de 12 individus, étaient alimentés ad libitum entre 35 et 105 kg de poids de fin de contrôle jusqu’en 2005 et depuis 2006 entre 35 et 110 kg. Suite au changement de grille de paiement des porcs (TMP) en 2006, les animaux charcutiers sont abattus vers 110-115 kg de poids vifs. Aussi, pour avoir des données comparables à celles des producteurs, le protocole de contrôles en stations publiques a été adapté.
Un cahier des charges commun aux trois stations spécifiait les caractéristiques de l’aliment distribué. Sur la période où les animaux étaient nourris à volonté, la consommation moyenne journalière (CMJ), l’indice de consommation (IC) et le gain moyen quotidien (GMQ) étaient enregistrés.

Le contrôle des performances à l’abattoirgene sensib fig3 red

Les animaux étaient abattus soit à l’abattoir Cooperl-Industrie (Montfort sur Meu — IIIe et Vilaine), soit à l’abattoir Socopa (Evron — Mayenne). Les conditions de pré-abattage étaient identiques pour les deux sites, à savoir : mise à jeun de 16 à 20 heures avant le départ des stations, temps de transport d’une trentaine de minutes et temps d’attente d’environ trois heures en bouverie. Les épaisseurs individuelles de gras et de muscle (G2 et M2) qui sont les composantes du critère de classement TMP étaient récupérées auprès d’UNIPORC. Environ 20 heures après l’abattage, le poids froid et la longueur (atlas-pubis) de la carcasse étaient enregistrés puis les demi-carcasses droites étaient découpées selon la découpe hollandaise normalisée (Métayer et Daumas, 1998). Cinq pièces principales étaient séparées (Figure 3) et pesées : la longe, le jambon, la poitrine, l’épaule et la bardière.

À l’issue de la découpe, trois mesures de qualité de viande étaient réalisées sur le jambon :
• le pH ultime (pHu) du muscle Semimembranosus
• l’indice de clarté L* du muscle Gluteus medius (une valeur faible de L* est associée à une viande sombre)
• la note du temps d’imbibition qui vise à apprécier le pouvoir de rétention d’eau de la viande. Cette notation consiste à chronométrer le temps d’imbibition de 1 cm2 de papier ph apposé sur le Gluteus medius. Un point est attribué pour chaque dizaine de secondes écoulée.

Analyses statistiques

Les différences entre génotypes ont été estimées à l’aide d’un modèle mixte avec effet père (programme ASRemI de Gilmour et al., 2006). Les modèles d’analyses utilisés prenaient en compte les effets fixés de la combinaison année x bande x station (61 niveaux) et génotype (3 niveaux), la covariable poids de carcasse pour les cinq pièces de découpe. L’élevage fournisseur a été inclus dans le modèle en tant qu’effet aléatoire pour tous les caractères étudiés exceptés l’indice de consommation, le poids d’épaule et les trois mesures de qualité de viande. Les effectifs par date d’abattage étant faibles, cet effet a été pris en compte pour les trois mesures de qualité de viande comme effet aléatoire. Des rapports de vraisemblance ont été utilisés pour tester les différents effets aléatoires.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Caractères de production

gene sensib tab1 redLes animaux hétérozygotes (Nn) de cet échantillon ont un meilleur GMQ que les animaux non sensibles (NN), tandis que les animaux sensibles (nu) ont une meilleure efficacité alimentaire (Tableau 1). Une différence significative est constatée pour la consommation moyenne journalière entre les hétérozygotes et les homozygotes sensibles (2,12 versus 2,07 kg/j). Hanset et al. (1995) avaient également observé que les animaux hétérozygotes présentaient une meilleure vitesse de croissance. A l’inverse, d’autres études n’ont pas permis de montrer des différences significatives entre les trois génotypes (Guéblez et al., 1995, Larzul et al., 1997). Le GMQ inférieur des animaux NN s’explique entre autre par le fait que ces animaux sont issus d’animaux d’origines étrangères (Allemagne, Autriche, Belgique,...) pour lesquels la pression de sélection sur la vitesse de croissance a été moindre. Conformément aux résultats de Guéblez et al. (1995), les animaux nu présentent des IC et des CMJ inférieurs aux deux autres génotypes (même si la différence n’est pas significative pour la CMJ entre les deux génotypes homozygotes NN et nn).

Qualité de carcasse

gene sensib tab2 redLes carcasses des trois génotypes présentent des rendements, une longueur, des poids de jambon et de bardière et des épaisseurs de muscle et gras (M2 et G2) significativement différents (Tableau 2). Les carcasses des animaux sensibles à l’halothane sont plus courtes et ont un meilleur rendement, une meilleure conformation (M2 plus élevé et des jambons plus lourds), des carcasses moins grasses (poids de bardière et G2 inférieurs) que les deux autres génotypes.

Le poids d’épaule n’est pas affecté par l’allèle halothane. Les poids de poitrine et de longe des animaux NN et Nn sont équivalents mais sont significativement différents de ceux des carcasses nn. Comme observé par Larzul et al. (1997) sur des caractères similaires, les carcasses hétérozygotes présentent des performances plus proches des carcasses NN que celles des nn. Ces résultats indiquent qu’il subsiste une différence de valeur totale de la carcasse et de la valeur des pièces nobles en faveur des porcs nn.

Qualité de viande

Conformément aux nombreux résultats de la littérature, l’allèle de sensibilité à l’halothane s’accompagne dans cette étude d’une moindre qualité de viande capacité de rétention en eau inférieure et viande plus claire (Tableau 3).

gene sensib tab3 redL’effet du gène halothane sur le pH ultime est un sujet de controverses, par contre, il est clairement défini que la cinétique de pH est fortement dépendante du génotype halothane. Le défaut de la viande PSE (Pale, Soft, Exsudative) lié à l’allèle n est causé par une chute excessivement rapide du pH post mortem. Dans cette étude, des différences significatives de pH ultime entre les trois génotypes ont été mises en évidence.

À l’inverse, d’autres études (Larzul et al., 1997, Fàbrega et al., 2004) ont démontré que l’allèle de sensibilité à l’halothane n’avait pas d’effet significatif sur le pH mesuré 24 heures post mortem. Les performances des animaux hétérozygotes sont plus proches de celles des animaux sensibles pour le pH ultime et la capacité de rétention en eau, comme le rapportaient déjà Larzul et al. (1997) et Guéblez et al. (1995). En ce qui concerne la couleur de la viande et plus précisément l’indice de clarté, il est le seul critère pour lequel la valeur des hétérozygotes est plus proche de celle du génotype homozygote supérieur (c’est-à-dire la valeur vers laquelle la sélection génétique veut tendre).

Quantification de l’effet de l’allèle n

gene sensib fig4 redLes précédents résultats ont permis de comparer les trois génotypes pour 15 caractères mesurés en station publique de contrôle de performances. La figure 4 représente par critère l’effet de l’allèle halothane n. Les résultats sont exprimés en unité d’écart-type phénotypique de manière à pouvoir comparer les effets d’un critère à l’autre.
En raisonnant en valeur absolue, l’effet le plus important de l’allèle n est observé sur la capacité de rétention en eau de la viande, estimée à partir du temps d’imbibition (-0,76 écart-type). Pour les critères de carcasse, l’amplitude de l’effet de l’allèle halothane varie de 0,35 à 0,62 écart-type ce qui est conforme aux effets rapportés par Larzul et al. (1997) pour le rendement de carcasse, la longueur et l’épaisseur de gras G2. L’allèle de sensibilité à l’halothane à un effet faible à nul sur les trois caractères de production (GMQ, IC et CMJ).

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Les résultats de cette étude, basée sur un large jeu de données et sur des animaux de race pure, permettent d’actualiser les connaissances sur l’effet de l’allèle halothane. La majorité des précédentes études ont été réalisées il y a plus de dix ans sur des animaux croisés. L’allèle de sensibilité à l’halothane affecte significativement la plupart des caractères considérés dans cette étude. L’effet de l’allèle est le plus important pour la capacité de rétention en eau de la viande suivi des caractères de carcasse.

Pour les critères d’efficacité alimentaire, composantes de carcasses et indice de clarté, les performances des animaux ou carcasses hétérozygotes sont plus proches des performances des animaux ou carcasses homozygotes NN. Il est important de noter que ces résultats ont été obtenus sur des animaux de race pure — à l’étage de la production, environ 75 % des porcs charcutiers sont hétérozygotes (Nn). Actuellement, le génotype des animaux Piétrain collectif n’est pas pris en compte dans les évaluations génétiques. Les futurs reproducteurs sont sélectionnés d’une part selon leur génotype (quand il est connu) et d’autre part à l’aide d’un indice de sélection classique. Cette stratégie conduit vraisemblablement à des résultats sub-optimaux. Pour apporter une réponse à ses interrogations, des études sont actuellement en cours (Schwob et al., 2010).


Remerciements
Les auteurs remercient le personnel des stations publiques de contrôles de performances d’Argentré, Le Rheu et Mauron pour la récolte des données.


 BIBLIOGRAPHIE

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FÀBREGA E., MANTECA X., FONT J., GISPERT M., CARRIÔN D., VELARDE A., RUIZ-DE-LA-TORRE J.L., DIESTRE A., 2004. A comparison of halothane homozygous negative and positive pie- train sire lines in relation to carcass and meat quality, and welfare traits. Meat Science 66, 777-787.
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SCHWOB S., TRIBOUT t, BAZIN C., DELAUNAY I., BIDANEL J., LARZUL C., 2010. Prise en compte du génotype halothane dans l’évaluation génétique de la population Piétrain.. Journées Rech. Porcine en France, 42, sous presse.


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