La revue Viandes et produits carnés

La revue française de la recherche en viandes et produits carnés  ISSN  2555-8560

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 PROCESS ET TECHNOLOGIES

 
 

Ecosystèmes microbiens des saucissons et de l'environnement

Résumé de l'article | 

Saucissons secs fermiers du Massif central

Les écosystèmes microbiens des saucissons fermiers et de leur environnement de fabrication présentent une diversité dans les espèces bactériennes présentes avec des niveaux de population variable. Cette diversité est due à la variété des formulations et des procédés appliqués dans les neuf ateliers étudiés. La majorité des produits ne présentaient pas de risques sanitaires mais il faut être vigilant sur les bonnes pratiques d’hygiène.

ecosystemes image redLa France a produit 100 000 tonnes de produits fermentés séchés en 2002. Cette production peut être industrielle ou fermière. La production industrielle se caractérise par une standardisation du procédé. Des ferments de maturation sont ajoutés et les étapes de fermentation et de séchage sont maîtrisées en contrôlant les conditions de température, d’humidité relative et de vitesse d’air. Dans les productions fermières, les conditions de fermentation et de séchage ne sont pas aussi contrôlées et aucun ferment n’est ajouté. En conséquence, c’est la microflore présente dans la matière première qui assure la fermentation du produit fermier.

Elle est composée de micro-organismes d’intérêt technologique, les bactéries lactiques et les Staphylococcus et Kocuria qui sont impliqués dans la fermentation du produit et de micro-organismes d’altération, Pseudomonas et entérobactéries qui sont à l’origine de défauts d’apparence, d’odeur, de flaveur et de consistance du produit final. Des bactéries pathogènes, Staphylococcus aureus et Listeria monocytogenes notamment, sont parfois détectées en début de production mais sont rarement mises en évidence dans le produit final. Salmonella est rarement présente dans les saucissons secs.

Les qualités organoleptiques, hygiéniques et la sécurité des saucissons secs dépendent du niveau de chacune de ces micro-flores, leurs contrôles se font par la maîtrise du procédé de fabrication. Peu d’études ont été réalisées en France sur les caractéristiques microbiologiques des saucissons secs de fabrication fermière. Cette étude présente les résultats d’analyses microbiologiques et physico-chimiques de saucissons secs provenant de neuf ateliers du Massif central. Les procédures de nettoyage et désinfection ont également été contrôlées par des analyses microbiologiques de six surfaces dans les neufs ateliers.

MATERIEL ET METHODES

Neuf ateliers fermiers du Massif centralecosystemes tab1 red

L’étude a été menée dans les années 2003-2005 dans le cadre du programme européen Tradisausage. Les saucissons secs étaient produits entre 600 kg/an (atelier F04) et 6500 kg/an (atelier F05). Ils étaient fabriqués avec des matières premières issues d’animaux élevés sur la ferme par l’agriculteur et vendus par lui. Le tableau 1 présente les ingrédients utilisés et les caractéristiques du procédé de fabrication pour chaque atelier. Les saucissons étaient fabriqués sans ajout de ferments et embossés dans des boyaux naturels. Sur ces neuf ateliers, les produits finaux pesaient en moyenne entre 300 et 400 g et avaient un diamètre compris entre 4 et 5 cm.

Deux types de prélèvements

Six prélèvements ont été réalisés sur les surfaces : trois sur les machines (hachoir, mélangeur et poussoir), un sur les tables de découpes, un sur les murs de la chambre froide et un sur les couteaux de découpe. Cinq cents cm2 de surface étaient frottés avec une lingette imbibée d’une solution neutralisante. Les échantillons ont été prélevés après le nettoyage et la désinfection des surfaces et avant la fabrication.
Un échantillon de boyau et trois échantillons de viande (la mêlée au temps zéro, le produit fermenté et le produit final prêt à la commercialisation) ont été analysés par atelier.

Analyse des microflores de l’environnement et des produitsecosystemes tab2 red

Dans l’environnement et les produits, les bactéries pathogènes, Sahnonella, L. monocytogenes, S. aureus et Escherichia coli producteurs de Shiga-toxines (STEC) ont été recherchées. Six autres microflores ont été analysées : bactéries lactiques, Staphylococcus et Kocuria, levure et moisissures, entérocoques, entérobactéries, Pseudomonas.
Pour les prélèvements de surface, la lingette était transférée dans 25 mL d’eau peptonée tamponnée et homogénéisée pendant 4 min au stomacher. Pour les produits, 25 g de viande étaient mélangés à 225 mL d’eau peptonée tamponnée et homogénéisés pendant 4 min au stomacher. Les microflores ont été dénombrées sur les milieux présentés dans le tableau 2. Pour L. nionocytogenes, 1 mL de la suspension était mélangé à 4 mL de bouillon Fraser-demi (Difco) et incubé 24-48 h à 37°C. Dans le cas d’un résultat positif, une confirmation par PCR a été réalisée. Pour les Salmonella, si une mobilité était observée sur l’agar semi-solide MSRV, la bactérie était inoculée sur gélose BPLS pour confirmer la présence de Salmonella. Pour les STEC, 1 mL de suspension du produit final était ajouté à 4 mL de bouillon de soja/extrait de bile/novobiocine, incubé à 37°C et analysé par PCR.

Analyse physico-chimique des produits

Le pH a été mesuré avec une sonde de pénétration Inlab 427 (Mettler Toledo) et l’aw avec un aw-mètre aw-sprint THSOO (Novasina, Roucaire, France).
Les teneurs de quatre amines biogènes (tyramine, histamine, putrescine et cadavérine) ont été mesurées dans les trois produits par chromatographie liquide à haute performance selon Hernindez-Jover et al. (1996). Les résultats sont exprimés par rapport à la matière sèche
(MS) pour éviter l’effet concentration due au séchage.

RÉSULTATSecosystemes tab3 red

Une efficacité mitigée du nettoyage et désinfection des surfaces selon les ateliers

Salmonella et S. aureus n’ont pas été détectés dans l’environnement. L. monocytogenes a été dénombrée dans deux échantillons : sur les couteaux de l’atelier F03 (1,2 log CFU/100 cm2) et sur la table de l’atelier F08 (1,8 log CFU/100 cm2). Après les procédures d’enrichissement, deux échantillons supplémentaires étaient positifs : la table et les couteaux de l’atelier F04.

ecosystemes tab4 redLes résultats de la contamination des surfaces des ateliers sont présentés dans les tableaux 3 et 4. Il apparaît que les procédures de nettoyage et désinfections ne sont pas toujours appliquées de manière efficace (tableau 3). Quelle que soit la microflore étudiée, une forte contamination résiduelle perdurait dans les ateliers F03 et F04, alors que l’atelier F07 montrait un nettoyage/désinfection efficace avec un niveau toujours inférieur à 2,0 log UFC/100 cm2.
Les chambres froides et les mélangeurs étaient les surfaces les moins contaminées (niveau inférieur à 2,2 log TJFC/100 cm2) alors que les couteaux et les tables étaient systématiquement contaminées à des niveaux plus élevés (de 2,1 à 4,6 log UFC/100 cm2) (tableau 4).

Diversité des populations microbiennes de la viande et du boyau

Les Salmonella et les STEC n’ont pas été détectés dans les produits. L. monocytogènes a été dénombrée dans cinq échantillons. Trois échantillons de l’atelier F05 étaient contaminés : la mêlée à 2,0 log UFC/g, le produit fermenté à 2,4 log UFC/g et le produit fmal à 1,5 log TJFC/g. Dans les ateliers F08 et F09, les deux produits finaux étaient contaminés à 2,8 log UFC/g et 1,2 log TJFC/g. Ainsi un seul produit final était contaminé à un niveau supérieur à la norme, qui est fixée à 2,0 log UFC/g (Commission de Régulation No 2073/2005 du 15 novembre 2005). S. aureus a été dénombré dans le boyau (1,7 log CFU/g) et le produit final (3,3 log UFC/g) de l’atelier F02. Dans ce dernier, la contamination était supérieure à la norme autorisée (2,7 log UFC/g, Commission de Régulation No 2073/200 5 du 15 novembre 2005).

ecosystemes tab5 redLe tableau 5 présente les résultats d’analyses microbiologiques dans les boyaux et les trois produits carnés. Les moyennes et écart-types ont été calculés à partir des données des neufs ateliers. Les boyaux étaient contaminés par les six microflores, et particulièrement par les Pseudomonas. Les bactéries lactiques et les Staphylococcus et Kocuria étaient présents dans la mêlée à des niveaux moyens (4,2 log UFC/g). Ces deux populations ont augmenté pendant le procédé pour atteindre 6,0 log UFC/g pour Staphylococcus et Kocuria et 8,0 log UFC/g pour les bactéries lactiques. Les Pseudomonas et les entérobactéries ont été dénombrés à des niveaux élevés dans la mêlée (5,0 log UFC/g et 4,0 log UFC/g, respectivement). Ces niveaux sont restés stables pendant la fermentation pour diminuer en fin de séchage. Les entérocoques et les levures/moisissures contaminaient la mêlée à des niveaux moyens de 3,4 et 4,2 log UFC/g, respectivement. Leurs populations ont augmenté légèrement pendant la fermentation (1,6 et 1,1 unités log, respectivement) puis sont restées stables jusqu’à la fin du séchage.

Des saucissons secs avec pH élevé et parfois un séchage insuffisant

ecosystemes tab6 redLe pH des neuf mêlées était similaire et compris entre 5,5 et 5,8 (tableau 6). Ensuite, le pH abaissé pendant la fermentation dans les ateliers F03, F05 et F06 et pendant le séchage dans les ateliers F01 et F04. Cette baisse est associée à l’ajout de sucres dans ces formulations (tableau 1). En effet, les sucres stimulent la croissance des bactéries lactiques qui produisent de l’acide lactique. Dans les formulations sans sucre, le pH n’a pas chuté, et a même augmenté. Cela concerne les produits des ateliers F02, F07 et F08. Dans deux produits finaux, le pH était supérieur à 6,0.
L activité de l'eau (Aw) reflète la disponibilité de l’eau dans le produit, sa diminution de 1,00 à 0,80 entraîne un arrêt du développement bactérien. L’aw dans la mêlée était comprise entre 0,96 et 0,98 (tableau 6). En fin de séchage, la plus forte diminution était observée dans l’atelier F04, avec une aw finale de 0,835, tandis que le séchage le moins important était observé dans l’atelier F03 avec une aw de 0,922.

Les saucissons secs présentent des teneurs en amines biogènes élevées

Les amines biogènes sont synthétisées par les microorganismes présents dans les produits fermentés. Lorsque leur teneur est élevée, elles sont un indicateur de défauts d’hygiène et peuvent servir comme contrôle dans la sécurité alimentaire. Des niveaux élevés particulièrement en tyramine et histamine peuvent présenter un risque pour la santé de personnes allergiques aux amines.

ecosystemes tab7 redDans huit mêlées, les amines biogènes n’étaient pas détectées ou détectées à un niveau faible. Seule la mêlée de l’atelier F05 avait déjà une teneur de 37 mg/kg MS. Au stade final (tableau 7), de grandes différences étaient observées : les teneurs en tyramine variaient de non détecté à 227 mg/kg MS, la putrescine de non détectée à 362 mg/kg MS et la cadavérine de non détectée à 390 mg/kg MS. L’histamine n’était pas détectée ou était détectée à un niveau très bas.
Le produit final de l’atelier F02 s’est distingué par une faible teneur en amines biogènes, inférieure à 10 mg/kg MS, et le produit de l’atelier F05 par une teneur très élevée supérieure à 1000 mg/kg MS. Les autres produits avaient des teneurs intermédiaires en amine, entre 150 et 450 mg/kg MS. Ces fortes variations ont été associées à la présence des bactéries lactiques et d’entérocoques.

Une contamination de la mêlée provenant certainement des matières premières

ecosystemes fig1 redPour comprendre l’origine de la contamination dans les produits, l’atelier F04, caractérisé par une forte contamination résiduelle dans l’environnement, et l’atelier F07, considéré comme un atelier propre, ont été comparés (figure 1). Les résultats des analyses microbiologiques dans l’atelier F04 laissent supposer que la contamination de la mêlée pourrait provenir de la contamination présente dans l’environnement, et ceci pour les six microflores analysées. En fait, ce n’est pas confirmé dans l’atelier F07. En effet, les populations microbiennes dans la mêlée de l’atelier F07 sont élevées et d’un niveau équivalent à l’atelier F04, alors que la contamination dans l’environnement de l’atelier F07 est faible. Ainsi la contamination par les six microflores semble provenir essentiellement des matières premières. Ces constatations sont également confirmées par l’analyse des flores pathogènes :
- S. aureus n’a pas été détecté dans l’environnement d’aucun des neuf ateliers, mais l’a été dans les produits de trois ateliers ;
- L. monocytogènes a été isolée dans l’environnement de trois ateliers mais elle a été détectée dans les produits d’un quatrième atelier.

Cette étude montre l’importance de l’application des bonnes pratiques d’hygiène et de fabrication pendant l’abattage et la production des matières premières pour obtenir la charge microbienne la plus faible possible au moment de la fabrication des saucissons secs.

CONCLUSION

L’étude de neuf ateliers du Massif central a montré la diversité des microflores et des caractéristiques physico-chimiques des saucissons secs, conséquence de la variété des formulations et des procédés. Quelle que soit cette diversité, la flore d’intérêt technologique s’implante bien et assure la fermentation du produit. Certains produits ont des niveaux de flores d’altération élevés qui pouffaient être réduits si de bonnes pratiques d’hygiènes et de fabrication étaient appliquées. Sept ateliers sur les neuf ne présentaient pas de risques sanitaires. La présence d’amines biogènes, notamment la tyramine, a été observée dans la majorité des saucissons secs fermiers.


Remerciements
Ce travail a bénéficié d’un financement dans le cadre d’un programme européen Tradisausage QLK1 -CT2002-02240 (http://www.clermont.inra.fr/tradisausage).
Nous remercions Caroline Michaud pour son aide pour les analyses microbiologiques.
Nous remercions S. Bover-Cid (IRTA, Espagne) et M.C. VidalCarou (Université de Barcelone, Espagne) qui ont réalisé les analyses des amines biogènes.


BIBLIOGRAPHIE

COMMISSION DE RÉGULATION NO 2073/2005 DU 15 NOVEMBRE 2005, Commission Regulation (EC) No 2073/2005 0f 15 November 2005 (2005). (http://europa.eu.int/eur-lex/lex/LexUriServ/site/en/oj/2005/I_338/L33820051 222en0001 0026.pdf.
Officiai Journal 0f the European Union, [338, 1-26.
HERNANDEZ-JO VER T., IZQUIERDO-PULIDO M., VECIANA-NOGUES M. T., VIDAL-CAROU M. C. (1996). Ion-pair high-performance liquici chromatographic cletermination 0f biogenic amines in meat anci meat proclucts., J. Agric. Fooci Chem., 44, 2710-2715.


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