
L’appertisation d’aliments conditionnés en emballages souples oblige à repenser intégralement l’étape de stérilisation, que ce soit au niveau de la recherche du point froid dans l’emballage, du plan de chargement de l’autoclave ou de la maîtrise de la contre-pression à appliquer.
Le CTCPA (Centre technique de la conservation des produits agricoles) a souvent développé et proposé aux industriels et artisans des barèmes d’appertisation pour une large gamme de produits, conditionnés en boîtes métalliques et bocaux de verre. Le développement des emballages plastiques comme les sachets souples, est plus récent, en particilier les sachets de géométrie avec soufflet en position basse, de type « self stand » (stables en rayons, en position debout), connus notamment sous le terme devenu générique de Doypack® (qui est en réalité une marque commerciale). Leur succès grandissant nécessite manifestement des préconisations de barèmes adaptés à ce nouveau type de conditionnement.
Par ailleurs, de nombreux conserveurs ressortissants ayant expérimenté ces emballages ont rencontré des difficultés à établir correctement les barèmes de stérilisation nécessaires et suffisants, principalement en raison de difficultés techniques à positionner précisément une sonde thermocouple dans le sachet, et aussi probablement en raison d’une méconnaissance de la position du point critique où positionner cette sonde.
La disposition des sachets dans les paniers d’autoclave semble aussi avoir une influence notable sur les performances d’appertisation. La contre-pression à exercer sur les emballages est également un paramètre primordial, compte tenu des capacités de déformations et des risques d’éclatement de ceux-ci.
L’étude réalisée par le CTCPA, a eu pour objectif de mieux cerner tous les aspects techniques du traitement thermique de ces nouveaux emballages, afin de favoriser la maîtrise et la mise en place de barèmes thermiques et de définir les conditions optimales de stérilisation et/ou pasteurisation de ces emballages.
MATERIELS ET METHODES
Matériels
- L’équipement nécessaire à cette étude est décrit ci-dessous.
- Cinq autoclaves pilotes représentatifs du parc d’autoclaves existant en agroalimentaire ont été utilisés (Vertical à immersion Auriol®), Horizontal vapeur rotatif (pilote ACB-Hydrolock®), Horizontal spraying ou vapeur ventilée (Stéritech), Ruissellement avec agitation par translation (Stériflow Shakka®), Autoclave à immersion avec pilotage de la contre-pression (Stock - Rotomat®).
- Le système d’acquisition de température par sondes filaires aiguilles est une centrale 16 voies (ELLAB®).
- Un dispositif de porte sonde mis au point par le CTCPA a été employé pour sonder précisément l’intérieur des sachets souples (voir Figures 1 et 2). C’est un élément capital pour la précision et la répétabilité des mesures durant toute l’étude.
- Le positionnement/fixation de l’outil par rapport au sachet se fait par quatre trous dans le Doypack® (annotation 1), et face au presse-étoupe (annotation 4). Ce dernier est monté en position inversée de façon à ne pas disposer de masse métallique trop importante dans le sachet et donc évite les problèmes d’inertie thermique et de gène aux mouvements de convection du produit.
- L’écartement du soufflet est contrôlé par déplacement d’écrous sur les tiges filetées. Un serrage est aussi possible pour maintenir le soufflet (annotation 1).
- La sonde (thermocouple aiguille au standard ELLAB®) passe à l’intérieur de l’outil dans lequel elle coulisse, puis par le presse-étoupe (annotations 3 et 4) et ce jusqu’à la distance désirée dans le sachet.
- Le blocage est ensuite effectué par vis (annotation 2).
- Un parc de capteurs de température embarqués (TMI-ORION®) a été utilisé pour les cartographies des plans de chargement et pour sonder au point froid les emballages de grand format.
Méthodes
Les essais réalisés ont porté sur les paramètres suivants et sur leur influence lors de l’appertisation. Lors de tous les essais, les cycles de stérilisation étaient appliqués à la température de 125 °C et pour des durées de palier allant de 35 minutes à 65 minutes.
Caractérisation des transferts de chaleur dans les emballages souples.
Les paramètres suivants ont été étudiés :
- la recherche du point critique dans le sachet, c’est-à-dire la zone où le produit se stérilise le moins rapidement, et qui sert de zone de référence pour valider la Valeur Stérilisatrice atteinte au cours du cycle d’appertisation ;
- la meilleure position du sachet dans l’autoclave (debout, en épis ou à plat) ;
- le gain possible en temps de stérilisation pour un produit stérilisé dans un emballage souple par rapport à un produit stérilisé en boîte de volume équivalent (boîtes 4/4 et boîtes 5/1, soit respectivement 850 g et 4000 g de produit). (Figure 3).
Essais de contre-pression
Lors d’un cycle de stérilisation, les emballages souples « gonflent » facilement sous l’effet de leur pression interne qui augmente avec la température. Cette déformation tire sur les soudures et peut induire des fuites ou des déformations irréversibles. La maîtrise de la contre-pression à appliquer dans l’autoclave pour s’opposer à ces déformations est capitale. Les essais réalisés ont porté sur l’influence de l’espace de tête (volume d’air) dans le sachet et sur la contre-pression à appliquer lors de l’appertisation. La contre-pression imposée dans l’enceinte en fin de palier est le critère discriminant retenu pour l’analyse des résultats.
Étude des plans de chargement
Les essais réalisés ont pour but de montrer quels sont les plans de chargement maximum possibles d’emballages souples (cf. Figures 4 et 5) pour :
1) des emballages de type Doypack® (170 x 235 mm et 800 g de produit) et des emballages de type poches (300 x 400 mm et 4000 g de produit). Ces emballages sont équivalents en masse de produit, respectivement, à des boîtes 4/4 et des boîtes 5/1;
2) trois types de fluides caloporteurs : l’eau (immersion), la vapeur ventilée et le "spraying" (brumisation d’eau surchauffée ventilée) ;
3) deux types d’autoclaves : autoclave vertical et horizontal.De nombreux capteurs de température embarqués sont répartis sur différentes couches des plans de chargement, pour en réaliser la cartographie thermique lors d’un cycle de stérilisation (Voir Figures 4 et 5). Le respect de l’homogénéité en température lors du palier — écart < 1 °C entre le point froid et le point chaud du chargement — valide ou invalide le chargement étudié.
RESULTATS ET DISCUSSION
Caractérisation des transferts de chaleur dans les sachets
Lors de la stérilisation, le point critique du sachet a été mesuré au centre géométrique de celui-ci. Il est donc situé au tiers bas du sachet quand le sachet est à plat zone n° 2 sur la Figure 6.
Le fait de positionner le sachet debout, entraîne une déformation du sachet due à cette position et à l’assouplissement du sachet sous l’effet de la chaleur. Il s’ensuit un tassement du produit dans le bas du sachet et des valeurs stérilisatrices beaucoup plus faibles (11 fois plus faibles dans le cas étudié) que pour un sachet en position couchée. Il n’est donc pas recommandé de stériliser les Doypack® en position « debout ».
On notera aussi que le fait d’aplatir légèrement le sachet avant stérilisation permet des gains en valeur stérilisatrice de l’ordre de 60 % par rapport à un sachet non aplati - ainsi qu’une meilleure homogénéité du traitement du produit.
Les essais comparatifs Doypack®/boîtes, ont été conduits en remplissant des boîtes V2 hautes de produits conductifs et convectifs en reproduisant le protocole utilisé pour les sachets Doypack®.
Dans les deux cas, à volume identique, le fait de stériliser les produits dans les boîtes métalliques allonge le palier de stérilisation de l’ordre de 20 min (65 contre 45 min pour les sachets) pour obtenir les mêmes valeurs stérilisatrices.Essais en poches grand format
L’utilisation de sachets souples de grand format s’est révélée avantageuse lorsque les produits appertisés sont des produits à caractère conductif de type épinards hachés. Dans ce cas, l’utilisation de poches permet de réduire le temps de process jusqu’en fin de palier de 39 %.
La stérilisation du produit modèle représentatif d’un produit très épais (modèle utilisé compote de pomme) a été possible avec le produit emballé en poches, et impossible avec un temps de cycle économiquement raisonnable, pour le produit en boîtes 5/1, car dans ce conditionnement, la température à coeur n’a jamais dépassé 1oo °C durant l’essai.
A contrario, la stérilisation des produits avec un jus de couverture très peu visqueux et des morceaux (ici des petits pois — carottes) est meilleure en boîte 5/1 qu’en poches, cela semble être dû à la géométrie de la boîte 5/1 qui autorise de meilleurs mouvements de convection naturelle que le sachet souple, ce qui entraîne un meilleur transfert thermique et ainsi une durée de cycle réduite.
Essais sur les modes d’agitation des sachets
Sur le produit modèle à caractère convectif (sauce tomate + eau), l’effet de la rotation (5 tr/min) des sachets lors de l’appertisation a été étudié.
La rotation permet d’homogénéiser le traitement et de réduire le temps de barème de l’ordre de 50 %.
Les essais en mode oscillation (+ 10°) du conditionnement (Doypack®) pendant la stérilisation ont montré :
- un léger avantage à utiliser une oscillation continue plutôt qu’une oscillation discontinue — avec arrêt de 10 s entre chaque aller- retour pour un produit convectif ;
- une montée légèrement plus rapide en température du produit lors de la présence d’un espace de tête (bulle au sommet du sachet) ;
- un très net avantage à l’utilisation d’un sachet Doypack® plutôt qu’une boîte de format équivalent 45 % de réduction de temps de palier ;
- pour le produit convectif utilisé, que la stérilisation soit réalisée en mode oscillation ou en mode rotatif (5 tr/min) n’apporte pas de différence sur la durée de la stérilisation. Ce résultat peut être utile lors du choix d’un équipement, étant donné la différence de coût entre un stérilisateur équipé d’un système oscillant et un stérilisateur équipé d’une cage rotative.
Essais de contre-pression
La contre-pression à appliquer pour éviter la déformation du sachet est très dépendante de l’espace de tête (volume d’air) (cf. Tableau 1). Lorsque l’on passe d’un espace de tête considéré comme nul, à un espace de tête de 100 ml d’air, il faut augmenter la contre-pression de 0,4 bar pour éviter la déformation du sachet.
Étude des plans de chargement
Dans le cas de l’autoclave vertical à immersion, de taille artisanale, la configuration qui s’est révélée la plus pertinente à la suite des essais est celle dont les clayettes sont composées de plaques perforées. Ces plaques séparent chaque couche de sachets avec des entretoises de 20 mm pour maintenir les sachets aplatis sans les comprimer fortement. La recirculation du fluide caloporteur doit être forcée par une pompe pour homogénéiser le traitement de stérilisation (cf. Figure 7).
Dans le cas d’un l’autoclave horizontal, les essais mesurant le degré d’homogénéité de traitement subi par différents plans de chargements, composés soit de poches de grand format (300 x 400 mm) (cf. Figures 4 et 5), soit de sachets Doypack® (170 x 235 mm), révèlent deux phénomènes :
- le premier est une répartition plus homogène de la chaleur lors de l’emploi de spray comme fluide chauffant (brumisation d’eau surchauffée ventilée) par rapport à l’utilisation de vapeur ventilée. Cela permet d’avoir un chargement plus important de l’autoclave et donc un gain possible en productivité ;
- le second est une meilleure homogénéité de traitement en petit format. Bien que dans les deux cas (poches 300 x 400 mm et sachets Doypack® 170 x 235 mm), l’espace libre entre les conditionnements est très faible sur chaque couche du plan de chargement, on note une meilleure homogénéité de traitement sur les chargements de sachets Doypack®.
De plus, une comparaison avec les conditionnements en boîtes 4/4 et 5/1 correspondant respectivement, aux sachets Doypack® (800 g) et aux poches (4000 g), montre que le mode « spraying » peut traiter de façon homogène un panier de 132 sachets Doypack® qui peut contenir 225 boîtes 4/4, et il peut aussi traiter de façon homogène un panier de 44 poches qui peut contenir 30 boîtes 5/1 (cf. Tableau 2).Le mode de stérilisation en vapeur peut traiter un panier de 132 Doypack® qui peut contenir 225 boîtes 4/4, mais n’a pas pu stériliser de manière homogène 24 poches pour un panier pouvant contenir 30 boîtes 5/1.
CONCLUSIONS
Les principaux résultats acquis sont présentés ci-après.
- Le point froid se situe au tiers bas du sachet Doypack®, pour un produit conductif comme pour un produit convectif. Un outil spécifique a été conçu, permettant un sondage précis, fiable et répétable de ce type de sachets, au moyen d’une sonde thermocouple aiguille au standard Ellab®.
- L’écartement le plus favorable du soufflet (20 mm) sur la valeur stérilisatrice, correspond à une forme aplatie du sachet. Il est donc conseillé de s’employer à aplatir le sachet, et à le maintenir aplati pendant la stérilisation. NB si le sachet est totalement aplati, le point froid se situe, dans ce cas, au centre du sachet.
- La meilleure position du sachet dans le panier est la position couchée, la position debout est à bannir car elle n’apporte presque pas de gain en temps de stérilisation par rapport à une boîte métallique.
- Une augmentation de l’espace de tête peut réduire le temps de traitement dans le cas d’une stérilisation avec agitation de produits à caractère convectif.
- La contre-pression requise est très dépendante de l’espace de tète présent dans le sachet. Plus l’espace de tête est important, plus la contre- pression à appliquer dans l’autoclave sera importante, pour éviter la déformation des sachets.
- L’emploi de sachets type Doypack® par rapport à des boîtes V2 haute de même volume, dans les mêmes conditions expérimentales, permet de réduire la durée du palier de stérilisation de l’ordre de 30 %.
- L’utilisation de poches de volume équivalent aux boîtes 5/1 s’avère avantageuse, d’un point de vue gain en temps de stérilisation, dans le cas de produits conductifs, mais désavantageuse dans le cas de produits convectifs.
- La rotation ou l’oscillation des sachets peut permettre une réduction du barème de stérilisation de l’ordre de 20 à 50 % par rapport au mode statique dans le cas de produits convectifs avec ou sans morceaux.
- Le plan de chargement optimisé d’un autoclave vertical à immersion, permet de superposer les couches de sachets avec de très faibles entretoises entre les couches, mais nécessite l’utilisation d’un système de recirculation d’eau.
- L’étude de différents plans de chargement pour un autoclave horizontal, fonctionnant soit par vapeur ventilée, soit par brumisation d’eau surchauffée ventilée, donne un léger avantage à la brumisation en termes de capacité de remplissage du panier.
Globalement, la plupart des autoclaves permettent l’appertisation en sachets Doypack® avec souvent un intérêt technique (meilleure qualité produit) et parfois économique (réduction des cycles, à pondérer par une éventuelle réduction du plan de chargement un calcul de rentabilité est fortement conseillé). Il n’est pas nécessaire de modifier les parcs d’autoclaves, mais l’utilisation de clayettes et entretoises avec une géométrie dédiée aux sachets à plat est souvent indispensable pour les paniers d’autoclaves. Le passage de l’appertisation en boîtes métalliques, à des sachets, nécessite donc un investissement.
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