
L’Adiv, avec le soutien de Tecaliman, a réalisé un bilan des performances énergétiques (gaz, eau, électricité) des entreprises aval de la filière bovine et ovine dans le cadre d’une étude financée par FranceAgriMer et Interbev. Les résultats de cette étude montrent des écarts importants de performance d’une entreprise à l’autre, et l’absence de moyens de comptage par grand poste de consommation en particulier au niveau de l’électricité. Les marges de progression sont donc importantes et peuvent être réalisées à plusieurs niveaux.
Premier secteur des industries agroalimentaires (IAA) par le nombre, le chiffre d’affaires et le nombre d’emplois, les industries carnées ont consommé, en 2008, 529 496 tonnes d’équivalent pétrole (source Agreste), soit 10 % de la consommation énergétique de l’ensemble des IAA. La répartition entre les différents secteurs des industries carnées est la suivante :
- 41 % pour le secteur des préparations industrielles à base de viande (activités de transformation),
- 35 % pour le secteur de la production de viande de boucherie (abattage découpe des bovins, ovins, porcs, caprins et équidés),
- 24 % pour le secteur de la production des viandes de volailles (abattage-découpe des poulets, dindes, canards, pintades...).
Au sein des industries carnées, la consommation d’énergie est principalement liée aux postes suivants :
- la production d’eau chaude et/ou de vapeur,
- la production de frigories (froid positif ou négatif),
- la force motrice (moteur, ventilateur et/ou air comprimé),
- le transport.
Plus de la moitié de l’énergie totale consommée du secteur est de l’énergie électrique. L’électricité représente en effet plus de 50 à 60 % du besoin total d’énergie contre 40 à 50 % pour l’énergie fossile. Le gaz naturel est la principale source de combustible utilisée pour produire l’énergie thermique.
La facture énergétique totale des industries carnées représente 105 % du résultat courant avant impôt de ce secteur. Les augmentations récentes du prix de l’énergie qui affectent la compétitivité des industries carnées ont justifié la réalisation d’une étude pour analyser les énergétiques des opérations unitaires de la filière bovine et ovine. Les objectifs de cette étude étaient les suivants :
- associer des indicateurs de performances techniques et économiques à des typologies d’entreprises ;
- identifier des pistes d’amélioration.
L’étude a été réalisée sur 14 outils industriels pilotes spécialisés dans le travail des viandes bovines et/ou ovines et représentatifs des activités aval de la filière comme illustré dans le Tableau 1.
MATERIEL ET METHODES
Le programme de l’étude a respecté le déroulement suivant :
- étape 1 : constitution de l’échantillon support et développement des outils de diagnostics ;
- étape 2 : calcul des ratios techniques par types d’entreprises et des coûts associés ;
- étape 3 : réalisation d’une campagne de mesures sur site pour analyser de manière détaillée certains postes de consommation ;
- étape 4 : formulation de recommandations pour minimiser les consommations énergétiques sous forme de fiches de synthèse.
Les deux premières étapes ont été menées sur la base d’un guide d’entretien établi par l’Adiv et Tecaliman en respectant le référentiel de bonnes pratiques pour les diagnostics énergétiques dans l’industrie de l’Afnor (BP X 30-120 mars 2006) et en s’inspirant du cahier des charges «Pré-diagnostic utilisation rationnelle de l’énergie » de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Les deux dernières étapes ont été réalisées sur la base du cahier des charges «Diagnostic utilisation rationnelle de l’énergie » de l’Ademe.La réalisation d’une campagne de mesures instrumentée (3e étape) a été effectuée en utilisant les matériels portatifs d’analyse d’énergie électrique dont disposent Tecaliman et l’Adiv. II s’agit d’analyseurs d’énergie électrique de marque HIOKI 9625 équipés de pinces ampèremétriques pouvant mesurer jusqu’à 500 ampères (Photo 1).
Plusieurs campagnes de mesure ont eu lieu sur une durée d’une à deux semaines consécutives avec des relevés de puissance enregistrés toutes les cinq secondes complétés par les relevés des compteurs généraux existants. Elles ont permis d’estimer les consommations électriques des principaux postes consommateurs d’énergie identifiés à l’issue des étapes précédentes.
Afin de respecter la confidentialité des données issues des entreprises constituant l’échantillon support de cette étude, un code leur a été attribué selon la nature de leur activité comme l’illustre le Tableau 2.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Analyse des niveaux de consommation des fluides (eau, énergies).
L’analyse préliminaire des factures et des niveaux de consommation des fluides des entreprises réalisée par l’Adiv a permis la constitution de deux ratios spécifiques :
- un ratio technique, témoignant du niveau de performance de l’entreprise,
- et d’un ratio économique, indiquant l’aptitude à la négociation des contrats et des tarifs des fluides de l’entreprise.
Consommation d’eau
La consommation spécifique moyenne observée au sein de l’échantillon est de 4,29 m3/tonne de carcasse abattue. Aucune différence significative n’a été observée les différentes typologies d’entreprises d’abattage ASB (Abattoir Spécialisé Bovin), ASO (Abattoir Spécialisé Ovin), AM (Abattoir Mixte). Les consommations spécifiques les plus élevées sont associées aux activités de transformation de viande cuite (ATVC) et les plus faibles aux ateliers de découpe (AD) comme l’illustre la Figure 1.
Les niveaux de consommation d’eau se situent majoritairement en dessous du seuil de 6 m3/tonne exigé par l’arrêté ministériel du 30 avril 2004 relatif aux Installations Classées pour la Protection de l'Environnement soumise à autorisation au titre de la rubrique 2210 « Abattage », ce qui témoigne des efforts engagés par les abattoirs pour réduire leurs consommations en eau. En revanche, les écarts observés au sein d’une même typologie d’entreprises sont importants. Le coût complet de l’eau (ressource et traitement) pour les entreprises de l’échantillon est de 16,49 €/tonne en moyenne (Figure 2).
Le coût observé le plus faible est de 1,92 €/tonne et correspond à un atelier de découpe (AD). Le coût observé le plus élevé est de 40,08 €/tonne et correspond à un atelier de transformation de viande cuite (ATVC). Le coût complet se décompose de la manière suivante 1/3 pour la ressource en eau potable, 2/3 pour le traitement des eaux usées.
Consommation d’électricité
Le niveau de consommation d’électricité augmente avec le niveau d’élaboration des produits comme l’illustre la Figure 3. Ainsi, si les ateliers de découpe présentent des niveaux de consommation d’électricité similaires à ceux des abattoirs, les ateliers de transformation ont des ratios de consommation moyenne beaucoup plus élevés principalement liés aux opérations successives énergivores de cuisson, refroidissement, conditionnement.
Les consommations moyennes par typologie d’entreprises sont reprises dans le Tableau 3.
Le coût d’achat de l’électricité est en moyenne pour l’échantillon de 57 €/MWh, ce qui correspond au prix d’achat moyen constaté au sein des industries agroalimentaires en 2006 (source Agreste). Les différences observées entre les entreprises (illustrées à la Figure 4) résultent de plusieurs facteurs dont la puissance installée, le choix de l’opérateur (marché régulé ou non) et du type de contrat. Les entreprises qui avaient fait le choix d’accéder au marché dérégulé ont toutes souhaité bénéficier du tarif règlementé transitoire d’ajustement au marché (TARTAM).
Au cours des prochaines années, une augmentation importante de la facture d’électricité des entreprises est à prévoir compte tenu de la suppression du régime TARTAM et des tarifs régulés en général. Le coût moyen de l’électricité par typologie d’entreprises est donné dans le Tableau 4.
Consommation d’énergies fossiles (gaz, propane, fioul)
Au sein de la typologie d’entreprises retenues, c’est l’activité de transformation en viande cuite (ATVC) qui présente les niveaux de consommation d’énergies fossiles les plus élevés en raison du recours massif à l’énergie thermique induit par les opérations de cuisson (Figure 5). La typologie AM (Abattoir Mixte) est pénalisée par des besoins en eau chaude plus importants liés à des séquences de nettoyage désinfection plus fréquent en abattage multi-espèces.
Les ratios techniques de consommation moyenne par tonne et par typologie d’entreprises sont repris dans le Tableau 5.
Le coût des combustibles fossiles est multiplié par 5 entre les activités d’abattage spécialisées et l’atelier de transformation de viande cuite comme l’illustre la Figure 6.
Le coût du kWh PCI moyen de combustible fossile, principalement représenté par le gaz naturel dans l’échantillon, est de 0,04 €/kWh PCI alors que le prix d’achat constaté au sein des industries agroalimentaires en 2006 est de 0,02 €/kWh PCI. Des renégociations tarifaires sont donc à envisager dans le secteur pour réduire cet écart constaté avec la moyenne des industries agroalimentaires.
Le coût des combustibles fossiles par tonne et par typologie est repris dans le Tableau 6.
Pour l’ensemble des fluides et des énergies, les données constatées chez les entreprises constituant l’échantillon support du programme sont présentées de manière synthétique dans les Figures 7 et 8.
Résultats des campagnes de mesure ciblées
Les campagnes de mesure ciblées réalisées avec le concours des entreprises partenaires ont montré que les principaux postes de consommation d’électricité sont les suivants (dans l’ordre décroissant) :
- la production de froid,
- la production d’air comprimé,
- le convoyage, le transfert des produits et des sous-produits,
- la production de vide,
- l’éclairage,
- les outils bureautiques,
- le chauffage des locaux (bureaux).
Les principaux postes de consommation de gaz sont les suivants (dans l’ordre décroissant) :
- la production d’eau chaude sanitaire et/ou la production de vapeur,
- la machine à laver le matériel,
- la stérilisation des couteaux dans le cas des abattoirs,
- le chauffage des locaux.
Les voies d’amélioration identifiées
Les résultats de l’étude suggèrent des pistes d’amélioration dont la nature diffère selon les fluides et les énergies considérés.
L’eau : compter, réguler, recycler
D’une manière générale, les entreprises de la filière bovine et ovine sont peu ou pas équipées de moyens de comptage divisionnaires de l’eau consommée par poste ou par atelier. Parfois la consommation d’eau n’est suivie qu’au travers des factures du fournisseur et reste une information traitée au niveau administratif. Or, la réalisation d’un suivi régulier des consommations d’eau associées aux indicateurs de production existants constitue un premier niveau de sensibilisation du personnel à la maîtrise des fluides qui se traduit très souvent par de soudaines réductions des consommations d’eau. Afin de poursuivre la démarche et pour aller plus loin, les entreprises doivent nécessairement envisager l’installation de compteurs divisionnaires.
L’intérêt de l’emplacement de compteurs divisionnaires fixes peut être apprécié et validé au préalable par l’emploi ponctuel d’un compteur portatif mobile. La mise en place de compteurs divisionnaires doit se faire a minima sur les utilités de manière à pouvoir faire le bilan global du site et connaître les proportions d’eau chaude, d’eau froide et d’eau mitigée consommées par l’établissement.
Le plan de comptage peut être complété par des mesures réalisées sur des postes ou des ateliers de production préalablement identifiés comme étant fluidivores et/ou énergivores comme par exemple la bouverie, l’abreuvement des animaux, le lavage des bétaillères, la chaîne d’abattage indépendamment de l’atelier de découpe etc. Les compteurs peuvent également concerner des postes non liés à la production comme les bureaux, les locaux sanitaires ou les locaux sociaux. Deux postes méritent une attention particulière. Il s’agit de la station de (pré) traitement des eaux usées et les équipements de lavage du matériel de manutention.
Le suivi régulier des consommations d’eau présente l’avantage de détecter rapidement des dérives et/ou fonctionnements anormaux. En fonction des équipements de comptage en place, la présence d’éventuelles fuites est plus ou moins vite identifiée.
Il est possible de réduire la consommation d’eau utilisée lors des opérations de nettoyage en posant des buses adaptées qui optimisent le débit et la pression de l’eau et des électrovannes enclenchant l’ouverture et l’arrêt automatique des vannes....
Par ailleurs, de nombreux postes se prêtent au recyclage de l’eau : recyclage des eaux des différents bacs de nettoyage des machines à laver des petits équipements par la réutilisation des eaux du bac de rinçage pour le prélavage du cycle de lavage suivant, recyclage des eaux épurées de la station d’épuration pour des usages qui ne requièrent d’eau potable comme le lavage des bétaillères ou de la bouverie, recyclage des eaux de refroidissement des moteurs des machines de conditionnement...
Enfin, lors de la réalisation d’investissements matériels, il est possible de se référer à des documents européens qui donnent les meilleures techniques disponibles. Ces documents s’intitulent BREF « abattoirs et industries des sous produits animaux » et BREF « industries alimentaires et laitières ». Ces documents préconisent notamment le recours à l’utilisation de la vapeur basse pression pour le nettoyage des couteaux, la décongélation des viandes à l’air, etc.
Le gaz : compter, optimiser, utiliser les énergies renouvelables
Les économies d’utilisation d’eau chaude citées précédemment sont également valables pour faire des économies sur le gaz qui sert principalement à la production de fluides caloporteurs secondaires comme l’eau chaude et la vapeur. Ainsi, la production d’eau chaude peut être un minimum instrumentée pour permettre le suivi quotidien du rendement et des performances de cette utilité. La construction d’indicateurs de type m3 d’eau chaude/m3 de gaz consommé permet de détecter les dérives éventuelles de l’équipement de production et d’y remédier de manière instantanée.
Les différents organes de la chaudière doivent être vérifiés et entretenus régulièrement afin d’optimiser la combustion, réguler l’excès d’air, assurer une bonne isolation thermique de l’enceinte, limiter les pertes d’ambiance des fluides...
Des économiseurs peuvent être installés pour limiter les pertes d’énergie liées aux fumées de combustion en abaissant leur température avant rejet à l’atmosphère et ainsi augmenter le rendement classique d’une chaudière de plus de 10 %.
Pour limiter les utilisations du gaz, un préchauffage de l’eau peut être réalisé grâce à des échangeurs installés sur certains postes comme sur les compresseurs et condenseurs de l’installation frigorifique par exemple.
Enfin, le recours aux énergies renouvelables fournies par un chauffe-eau solaire thermique peut aussi permettre d’apporter un complément d’énergie en substitution partielle à l’utilisation du gaz.
L’électricité : compter, réguler, récupérer
L’analyse de la courbe de charge des puissances électriques appelées par le site peut être réalisée en utilisant les relevés effectués par le fournisseur puissance 10 minutes de l’entreprise. Elle permet de détecter ce qui se passe quand le site n’est pas en activité de production. (Les points 10 minutes sont les enregistrements faits par EDF des puissances atteintes toutes les 10 minutes. Ils sont disponibles sur demande auprès d’EDF pour les contrats verts supérieurs à 250 kW).
Les principaux postes de consommation d’électricité (production et distribution de froid, air comprimé, vide) méritent d’être instrumentés pour permettre un suivi quotidien de leurs rendements et de leurs performances à travers notamment les indicateurs suivants :
- Coefficient Opérationnel de Performances (COP) qui correspond au nombre de frigories produites par kWh consommée pour les installations de froid,
- Coefficient Spécifique qui correspond au nombre de kWh consommé par m3 d’air comprimé produit.
Des économies d’électricité peuvent aussi être générées en mettant en place de nouvelles techniques de régulation des installations de froid maintien de la température de condensation la plus basse, variation de vitesse des pompes de distribution et des ventilateurs des évaporateurs, ventilateurs hélicoïdaux à basse vitesse, pilotage centralisé des compresseurs, etc.
La récupération des calories sur le groupe froid crée également des économies d’électricité. En effet, il n’est alors plus nécessaire d’évaporer les calories récupérées.
Lors de la réalisation d’investissements matériels, il est utile de s’interroger sur l’intérêt d’acquérir des moteurs électriques à hauts rendements. Ils permettent de minimiser la consommation électrique des compresseurs. La pertinence d’une production locale d’électricité à partir de panneaux solaires photovoltaïques installés sur les toitures des bâtiments doit également être étudiée compte tenu des surfaces potentiellement exploitables.
Enfin, les luminaires constituent aussi une source d’économie d’énergie potentielle en jouant sur les paramètres suivants nombre de luminaires, positionnement, durée d’éclairage, systèmes d’interrupteurs.
CONCLUSION
L’étude menée par l’Adiv avec le soutien de Tecaliman sur 14 entreprises de la filière bovine et ovine a permis de dresser un état des lieux des consommations d’eau et d’énergie des différents secteurs d’activité. Globalement des écarts de performances conséquents d’une entreprise à l’autre ont été observés, ce qui indique que les marges de progression pour maîtriser les consommations des fluides et les énergies sont importantes.
Pour progresser dans cette voie, il convient en premier lieu de concevoir et de mettre en place au sein des entreprises un dispositif centralisé de suivi des consommations alimenté par les données des services maintenance, production et comptabilité.
La caractérisation énergétique de certains procédés de fabrication fait actuellement l’objet de travaux en cours dans le cadre du Réseau Mixte de Technologies « Gestion Durable des Fluides ». Ces données aujourd’hui inexistantes permettront aux entreprises de disposer de valeurs de référence en termes de consommation et donc de pouvoir situer leurs propres pratiques. Ces données pourront également être utilisées comme une aide au raisonnement des choix d’investissements en permettant d’évaluer les consommations d’eau et d’énergie associées aux technologies qu’ elles projettent d’utiliser à l’avenir.
Remerciements
Les auteurs remercient FranceAgriMer et Interbev sans le concours financier desquels cette étude n’aurait pas pu être réalisée ainsi que les entreprises qui ont constitué l’échantillon support sans la participation desquelles il n’aurait pas été possible de recueillir des données.
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