
INTRODUCTION
D’après le Code Rural et de la Pêche (Article D653-9), une race est qualifiée de locale si elle est "majoritairement liée à un territoire donné, par ses origines, son lieu et son mode d’élevage" (Verrier et al., 2021). A l’issue de la période de modernisation et d’intensification de l'agriculture, les effectifs de la plupart des races locales françaises dites à petits ou très petits effectifs, avaient atteint un stade critique dans les années 1970 due à l’inadéquation entre les objectifs de performances zootechniques d’alors et les potentialités de ces races. Pourtant, dès 1995, Annick Audiot anticipait la place que pourrait avoir l’élevage de ces races locales à petits effectifs dans son ouvrage "Des races d’hier pour l’élevage de demain". Aujourd’hui, les races locales, adaptées à leur environnement, du fait de leur rusticité au sens de Sauvant et Martin (2010), s’accordent avec les principes de l’agroécologie en élevage, tels que proposés par Dumont et al. (2013), et sont plus en adéquation avec les aspirations actuelles des citoyens pour une agriculture qui produit en privilégiant les biens et les services environnementaux. Leurs effectifs ont augmenté progressivement et suivi une même trajectoire : une étape de sauvegarde et de reconstruction, puis une étape de conservation et de développement de leur population, et enfin une étape de "valorisation" au cours de laquelle les éleveurs cherchent à promouvoir et commercialiser leurs produits (Audiot, 1995). Un objectif majeur des initiatives de valorisation des races locales au travers de leurs produits est d’obtenir pour les éleveurs des prix sensiblement plus élevés que la moyenne, afin de compenser leur productivité généralement modérée et les éventuelles contraintes liées à leur milieu d’élevage (Verrier et al., 2021). Le développement de la race bovine Maraîchine s’inscrit dans ce schéma (Steyaert et al., 2007). Après un déclin de sa population, l'Association pour la valorisation de la race bovine Maraîchine et des prairies humides (désignée par Association MA dans la suite du texte) a été créée en 1988 pour développer un programme de conservation (https://www.vache-Maraîchine.org/). Durant la période de sauvegarde, la population de Maraîchine est passée en 1987 de 4 femelles de plus de deux ans issues de deux reproducteurs à 30 femelles issues de 10 reproducteurs en 1990. Aujourd'hui, la race Maraîchine fait partie des races à petits effectifs et comprend de l’ordre de 1600 femelles de plus de 2 ans provenant de 120 exploitations (Idele, 2020).
Les chercheurs de l’unité expérimentale INRAE de Saint-Laurent-de-la-Prée interagissent depuis une trentaine d’années avec les éleveurs de l’association MA (Steyaert et al., 2007), que ce soit au travers d’expérimentations pour évaluer les performances des animaux, ou dans des projets de recherche-action pour accompagner les différentes étapes du développement de la race. Dans le cadre d’un projet intitulé "Valoriser la Maraîchine pour conjuguer viande de qualité et préservation des milieux littoraux" financé par la Fondation de France, les chercheurs ont construit, en 2019 un projet avec les éleveurs pour évaluer la qualité nutritionnelle et sensorielle de la viande de Maraîchine. L’attente des éleveurs portait sur la caractérisation de la qualité de la viande de Maraîchine au regard de leurs conduites de finition ainsi qu’en comparaison par rapport aux autres races bovines. Au-delà de cette caractérisation des qualités intrinsèques, les éleveurs mettaient également en avant l’opportunité d’apprentissage que leur offrait ce projet, à savoir apprendre à parler de leur viande dans la perspective de la valorisation en circuit de proximité (Farruggia et al., 2022). A l’issue des échanges entre chercheurs et éleveurs, les trois objectifs suivants ont servi de socle à la construction d’un protocole:
- Réaliser une évaluation objective la plus complète possible des qualités sensorielles et nutritionnelles de la viande de Maraîchine,
- Analyser l’effet d’une finition à l’herbe issue des prairies caractéristiques du littoral atlantique,
- Positionner la Maraîchine en termes de rusticité comparativement aux races dites "à viande".
Les catégories d’animaux Maraîchins choisis collectivement ont été ceux commercialisés aujourd’hui par les éleveurs : les adultes et le veau rosé. Le veau rosé constitue le produit phare de l’élevage de Maraîchine, encouragé par l’association MA. Dans la catégorie "adultes", la vente de vaches et de génisses a supplanté la commercialisation du bœuf qui s’était développée dans les années 90 du fait de la nécessité de garder toutes les femelles (Roche et al., 2022). Les chercheurs ont cependant suggéré de prendre le bœuf comme animal représentatif de la catégorie "adulte" de façon à restreindre au maximum l’hétérogénéité des âges d’abattage. Ce facteur impacte en effet fortement les qualités sensorielles et nutritionnelles des viandes et est plus difficilement maitrisable pour les femelles abattues par les éleveurs (Prache et al., 2020).
Ce premier article rapportera les résultats obtenus sur la qualité de la viande de bœuf. Un second article suivra, présentant les résultats obtenus sur la viande de veau rosé. Nous présenterons en préalable le contexte de l’élevage de Maraîchine avec les caractéristiques de la vache, des exploitations et les représentations des éleveurs vis-à-vis de leur race et des conduites de finition. Dans un deuxième temps, nous présenterons notre dispositif expérimental et les mesures réalisées. Nous exposerons et discuterons enfin les résultats obtenus.
I. LA VACHE, LES ELEVEURS DE MARAÎCHINE, LA COMMERCIALISATION DES ANIMAUX
I.1. La vache Maraîchine
Standard de la race de la race bovine Maraîchine (Berland et al. 2006)
Animal de grande taille caractérisé par :
Robe : Fauve, allant du froment clair au fauve grisâtre, avec parfois extension du noir. Fanon souvent gris étourneau.
Tête
• Chanfrein : long.
• Mufle : noir avec pourtour clair.
• Oreilles : pourtour noir toléré clair chez la femelle.
• Paupières : fines et noires avec auréole claire (blanc, gris perle).
• Présence souhaitée de poils noirs sur la périphérie supérieure.
• Cils : noirs.
Cornes : longues, blanches avec extrémités noires (la coloration gris vert uniforme est tolérée). Forme en lyre fréquente.
Muqueuses : Noires.
Scrotum : Cupules noires.
Queue : Longue, attachées haute, légèrement saillante. Toupillon noir, fourni (quelques poils gris tolérés).
Onglons : Noirs et larges.
Bassin : Développé, plat et large.
Reins : Larges.
Dos : Droit et rectiligne.
Poitrine : Profonde.
Cuisses : Muscles longs et bien descendus.
Membres : Secs et solides.
Mamelles : Bien attachées, équilibrées, avec trayons homogènes moyens à petits.
Aptitudes : Mixte : lait, viande, travail ; Vêlage facile ; Veaux petits à la naissance ; Animal rustique adapté aux prairies humides.
Caractère Culard : Les animaux présentant le phénotype culard ne peuvent être retenus pour le programme de conservation.
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I.2. Les élevages de Maraîchines et leurs débouchés
Les exploitations possédant des Maraîchines, sont localisées dans les marais et les bocages contigus de la côte Atlantique de la Vendée jusqu’à la Gironde. Des enquêtes, réalisées en 2018 à partir d’un échantillon de 24 éleveurs de Maraîchine, montrent que la Maraîchine est élevée dans des fermes aux productions et structures variées et que la plupart des exploitations ont plusieurs activités agricoles (Sigwalt et al., 2019). Le taux de pluriactivité est relativement faible (25% des agriculteurs interrogés), suggérant une « professionnalisation » de l'élevage par rapport aux années 2000 (Roche et al., 2022). La moitié des exploitations de l’échantillon sont de type polyculture-élevage et vendent des produits végétaux et 60% d’entre elles sont en Agriculture Biologique. Deux tiers de ces exploitations possèdent d'autres animaux, tels que des bovins allaitants d'autres races, des bovins laitiers, des chèvres ou des volailles. Alors que les éleveurs qui avaient une autre race allaitante représentaient, en 2004, 47% des éleveurs enquêtés (Roche et al., 2022), ils sont seulement 25% en 2018. Le nombre moyen de vaches Maraîchine est aujourd’hui de 30 par exploitation avec un minimum de 2 et un maximum de 80. Pour deux tiers des éleveurs, les prairies humides de marais représentent 100% de leurs prairies. Une grande place est donnée à l’herbe dans l’alimentation des animaux et l’autosuffisance alimentaire est majoritaire. La reproduction se fait principalement par accouplement naturel avec des taureaux appartenant à l'association MA. Les vêlages de printemps représentent 38% des exploitations, et 42% des éleveurs répartissent les vêlages sur l'année. La vente directe de viande explique la nécessité d'étaler les vêlages, pour répondre à la demande du marché tout au long de l'année.
Depuis les années 2000, les agriculteurs tentent de développer un marché alternatif pour les animaux Maraîchins dans lequel les prix ne sont pas déterminés par la conformation et le pourcentage de gras. Aujourd’hui, les deux tiers des éleveurs pratiquent la vente directe de viande à la ferme. La plupart des éleveurs enquêtés conjuguent des ventes en circuit court et en circuit long : en 2018, huit éleveurs enquêtés sur 24 ont vendu plus de 80% de leurs animaux en circuit court, 10 agriculteurs entre 40 et 60%, et 6 moins de 20%. La vente directe à la restauration (ex : restaurants) représente une très faible part des ventes (< 1%) mais tend à se développer tout récemment. Les projets de commercialisation collective se sont jusqu'à présent heurtés à des difficultés techniques telles que la gestion de l'équilibre matière ou la fourniture de produits tout au long de l'année.
I.3. Toujours entre conservation et valorisation
Comme dans beaucoup d’associations de races locales, des tensions entre éleveurs tenants de la conservation et éleveurs tenants de la valorisation commerciale (entre animaux locaux et rustiques d'une part et animaux "commercialisables" d'autre part) ont traversé et traversent toujours les débats de l’association MA. L'enquête de 2018 a permis de mettre en évidence cette diversité des perceptions. Tous les éleveurs perçoivent la race comme étant rustique, facile à élever notamment grâce au vêlage sans assistance, présentant une bonne résistance aux maladies et une bonne production laitière associée à de bonnes capacités maternelles. En revanche, les perceptions sont contrastées en ce qui concerne l’attention portée à la biodiversité, l'alimentation des animaux et la commercialisation. Si de nombreux agriculteurs reconnaissent la spécificité de la race pour la gestion des marais, d'autres estiment que n'importe quelle race bovine aurait pu faire de même. En ce qui concerne l’alimentation, beaucoup mettent en avant la capacité de la race à utiliser les fourrages grossiers à faible valeur nutritive des zones humides et recherchent à engraisser leurs animaux avec de l’herbe pâturée associée à du foin de bonne qualité comme le foin de luzerne par exemple. D'autres agriculteurs considèrent en revanche que seule une finition basée sur l’utilisation de méteil enrubanné ou des concentrés est acceptable.
Une étude impliquant des bœufs Maraîchins issus de rations de finition différentes a donc été mise en place pour évaluer objectivement la qualité nutritionnelle et sensorielle de leur viande.
II.1. Sélection des animaux et prélèvements
En concertation avec l’association MA, 10 bœufs finis à l’herbe et 10 bœufs finis aux céréales devaient être sélectionnés au sein de différents élevages. Une liste des élevages ayant des bœufs avait été fournie par l’Association MA pour cela. Pour chaque animal sélectionné, un questionnaire concernant son alimentation était rempli par l’éleveur précisant les rations journalières de finition (nature de l’aliment et quantité d’aliment déclarées par l’éleveur pour les aliments distribués). Les données sur les carcasses issues de l’abattoir étaient collectées pour l’ensemble des animaux. Le muscle retenu pour les analyses sensorielles et nutritionnelles a été le Rectus abdominis (RA) ou bavette de Flanchet en terme boucher. Ce muscle représentatif de la carcasse, est en effet très étudié dans la littérature d’autant plus que son prélèvement à l’abattoir n’induit pas de forte dépréciation de la carcasse (Oury et al., 2010). Chaque prélèvement, correspondant à une bavette, était effectué 24 heures après abattage. L’échantillon brut était ensuite transporté à 5°C de l’abattoir vers le laboratoire d’analyse sensorielle INRAE du Magneraud pour y être conditionné. Après un parage du morceau brut (retrait du gras de couverture et de l’aponévrose), 100 grammes étaient prélevés au cœur de la bavette puis découpés en dés de 1 cm sur 1 cm, fixés dans l’azote liquide à -196°C puis conservés à -80°C et enfin acheminées au laboratoire INRAE de l’UMR Herbivores à Theix. Sur place, ils étaient ensuite broyés à l’aide d’un broyeur à lame rotative IKA-M 20 dans de l’azote liquide afin d’obtenir une poudre fine et homogène puis conservés à –80 °C jusqu’aux analyses. Le reste de la bavette était mis sous vide, maturé dans une chambre de maturation pendant 14 jours à 4°C puis congelé à -20°C dans l’attente des analyses sensorielles et rhéologiques réalisées à Bordeaux Science Agro.
II.2. Analyse des caractéristiques biochimiques et métaboliques de la bavette de Flanchet (détails Encadré 2)
Les teneurs en collagène total (TCol) et en cross-links (CLs) ont été déterminées. La teneur en hydroxyproline a été mesurée dans les hydrolysats selon la procédure décrite par Dubost et al. (2013). Les propriétés contractiles ont été évaluées par une mesure des proportions d’isoformes de chaînes lourdes de myosines (MyHC). Le type métabolique des muscles a été déterminé grâce aux mesures d’activités enzymatiques sur broyats musculaires. Ainsi les activités d’enzymes représentatives des métabolismes glycolytique (lactate déshydrogénase, LDH ; phosphofructokinase, PFK) et oxydatif (isocitrate déshydrogénase, ICDH) ont été déterminées selon les protocoles décrits par Jurie et al. (2006).
ENCADRE 2
Caractérisation des fibres musculaires et de leur métabolisme
Collagène total et réticulation (Cross-links) Typage métabolique Quantification des isoformes de chaînes lourdes de myosine par électrophorèse |
Chaque échantillon a été proposé via une présentation monadique séquentielle selon un plan équilibré. Sept descripteurs ont été évalués sur une échelle bornée, non structurée entre 0 et 10. Plus précisément, les 7 descripteurs étaient les suivants :
- tendreté initiale : appréciation de la facilité à couper la viande au premier coup de dents
- tendreté globale : appréciation globale de la facilité à couper la viande après plusieurs coups de dents
- jutosité initiale : appréciation de la quantité de jus libéré par le morceau de viande au premier coup de dents
- jutosité globale : appréciation de la quantité de jus en bouche (jus libéré et salivation) lors de la mastication de la viande
- flaveur typique : intensité (positive) de la flaveur de viande (goût du bœuf et perception du persillé caractéristique de la viande de bœuf)
- flaveur anormale : ressenti d’un mauvais goût, d’arrière-goût, de goût de rance, ou de mauvaise conservation de la viande.
- résidu de mastication : évaluation du volume du morceau de viande qui reste après plusieurs coups de dents, difficile à avaler.
Pour chaque animal, la viande a également été caractérisée en termes de propriétés rhéologiques (Salé, 1971) et de couleur (L* : clarté ou luminance ; a* : indice de rouge ; b* : indice de jaune) au moyen d’un chromamètre CR400 Minolta (illuminant D65).
ENCADRE 3
Evaluation des propriétés rhéologiques et de couleur
Les mesures de couleur ont été faites sur la viande et le gras intermusculaire de chaque morceau avec un chromamètre Konica Minolta CR400, utilisant l’illuminant D65, un angle de 2°, une ouverture de 8 mm de diamètre et le logiciel SpectraMagic NX. Pour évaluer la force de cisaillement, cinq carottes de 0,1 à 1,4 cm d’épaisseur ont été découpées dans le sens des fibres. Ces carottes ont été cisaillées avec une lame pleine de Warner Bratzler. Les résultats de la force de cisaillement ont ensuite été transférés sur le logiciel Trapezium X. La force de cisaillement a été évaluée sur la viande crue et la viande cuite (cuisson au grill, selon le même procédé que pour les évaluations sensorielles). La force de compression à 20 et 80% a également été déterminée. La force de compression à 20% reflète la résistance des myofibrilles et donc le niveau de la protéolyse. Son évaluation permet donc de déduire le degré de maturation de la viande (Lepetit et Culioli, 1994) |
Le statut antioxydant global (SAO), représentant la capacité d’un tissu à résister aux processus oxydatifs, a été déterminé selon la méthode décrite par Scislowsky et al. (2005). Le potentiel antioxydant a été évalué par la mesure des activités des enzymes antioxydantes (SOD, Catalase et GPX) par spectrophotométrie (Gladine et al., 2007) ainsi que par la concentration en vitamines E (Vit E) et A (VitA) par HPLC (Scislowsky et al., 2005).
ENCADRE 4
Evaluation de la stabilité oxydative des lipides de la viande et des teneurs en vitamines
L’évaluation du statut antioxydant global (SAO) est basée sur l’absorption des cations ABTS+. 250 mg de poudre de muscle ont été homogénéisés au polytron (17000 tpm, 30 sec) dans 3 mL de tampon phosphate. Cet homogénat est ensuite centrifugé (1200g, 10 mn) et le surnageant filtré à travers un papier filtre. La production d’ABTS+ est initiée par l’addition d’eau oxygénée dans des micro-cuves contenant 12 µL de filtrat, 0.5 mM d’ABTS et 48.8 µM de methmyoglobine. L’absorbance est mesurée à 732 nm pendant 3 min après addition de peroxyde d’hydrogène à l’aide d’un Uvikon 923 double faisceaux. Le pourcentage d’inhibition, lié aux antioxydants contenus dans le muscle, est exprimé en µmol de TEAC/g (Trolox Equivalent Antioxidant Capacity) de muscle en utilisant une courbe étalon établie avec une solution de Trolox. Pour évaluer les activités des enzymes antioxydantes, un sous-échantillon de 250 mg de poudre de muscle a été homogénéisé dans 3 ml de tampon phosphate (50 mM, pH 7) avec un polytron pendant 15 s à 17 000g. L'homogénat a été centrifugé à 1200g pendant 15 min à 4°C. Le surnageant obtenu a été filtré et conservé à -80° C, pour la détermination des activités de la superoxyde dismutase (SOD), de la glutathion peroxydase (GPx) et de la catalase (CAT). Les concentrations en vitamine E (Vit E) et A (VitA) ont été mesurées selon la méthode proposée par Scislowski et al. (2005). Les Vit E et A ont été extraites à partir d’un gramme de poudre de muscle après saponification et extraction à l'hexane. La phase hexanique a été éliminée par évaporation avec un courant d'azote gazeux. Ensuite, l'extrait sec obtenu a été solubilisé par 240 mL de tétrahydrofurane et 240 mL de dichlorométhane : méthanol (65V/35V). Les concentrations de Vit E et VitA ont été déterminées chromatographie liquide à haute performance (HPLC, modèle 430, Kontron). Les résultats sont exprimés en mg de vitamine E et A pour 1 g de muscle. |
III.1. Les bœufs échantillonnés
Au total, 10 bœufs finis à l’herbe (issus de 4 élevages différents) et 8 bœufs finis aux concentrés (issus de 3 élevages différents) ont été recrutés. Le bœuf n’étant plus un produit suffisamment commercialisé ces dernières années, il n’a pas été possible de recruter l’intégralité des animaux initialement prévus (10 animaux par régime de finition). Les 3/4 des bœufs ont été castrés avec une pince à castrer Burdizzo à neuf mois tandis qu’un quart a été castré avec une anesthésie locale entre 5 et 11 mois. Les animaux ont été abattus dans 4 abattoirs répartis dans 3 départements (17, 79 et 85) entre les mois de février à décembre 2020. Les animaux finis aux concentrés des trois élevages retenus ont reçu durant au minimum les trois derniers mois de finition, pour le premier élevage, un mélange de grains de triticale-pois (5 kg par jour par animal), pour le deuxième, du maïs (3kg) associé à un mélange de tourteaux, drèche de maïs, triticale et son de céréales (1 kg), et pour le troisième un mélange de tourteaux, pulpe de betterave, foin de luzerne déshydratée et maïs laminé à volonté. Les animaux finis à l’herbe étaient au pâturage avec pour certains du foin en complément le dernier mois.
Les poids carcasses et les notes d’engraissement ne sont pas significativement différents entre les deux finitions (herbe ou concentrés), la moyenne des poids carcasse étant de 409 kg (± 35,4 kg), la note d’engraissement de 2,9 (± 0,39) pour un âge moyen de 46 mois (± 10,6). Les bœufs du régime « Concentrés » présentent néanmoins une forte variabilité des poids carcasse (min : 358 kg et max : 475 kg vs 367 et 444 kg pour les bœufs du régime « Herbe »). Ils ont par ailleurs de bien meilleures notes de conformation (Tableau 1) : un seul bœuf est classé en O (13% de l’effectif du régime « Concentrés) contre 6 pour ceux finis à l’herbe (60% de l’effectif).
Tableau 1 : Classification des carcasses selon le régime de finition.
III.2. Propriétés biochimiques et métaboliques
Peu de données sont disponibles sur le typage des fibres et les activités métaboliques de la bavette de Flanchet. Oury et al. (2010) rapportent que, chez des bœufs charolais âgés de 26 mois en moyenne, le RA présente en moyenne 40% de fibres I (lente oxydative), 31% de type IIA (oxydo-glycolytique) et 24% de type IIX (rapide, glycolytique). Chez les bœufs Maraîchins, une orientation vers un métabolisme plus lent et oxydatif est observée, avec une très grande proportion de fibre I et IIA de 42 et 39% respectivement, au détriment des fibres rapides et glycolytique (IIX) (19%). Il est à noter que le quatrième type de fibre IIB (plus rapide glycolytique que la IIX), révélé par Picard and Cassar-Malek (2016) chez certains bovins majoritairement dans les races à viande françaises (Blonde d’Aquitaine, Charolaise, Limousine), n’a pas été observé dans les échantillons de Maraîchines analysés dans la présente étude.
Tableau 2 : Effet du régime de finition sur la composition et l’orientation métabolique des fibres musculaires.
IV. CONCLUSION
Ce projet de recherche, construit en commun par les éleveurs de bovins de race Maraîchine et les chercheurs, a permis de répondre aux attendus initiaux. Il a produit des résultats biotechniques complets sur les qualités intrinsèques de la bavette de flanchet de bœuf de race Maraîchine en condition d’élevage dans les exploitations. Ce muscle chez la Maraîchine est plus oxydatif que celui des races à viande à grands effectifs (Charolais, Blonde d’Aquitaine, Limousine), et se rapproche plus par sa composition en fibres musculaires, des races plus « rustiques » comme la Rouge des Prés, ceci quel que soit le régime de finition. Les données obtenues ont permis de caractériser l’effet des pratiques de finition courantes rencontrées chez les éleveurs sur la qualité de la viande. Malgré une provenance des bœufs d’exploitations différentes, pouvant induire une variabilité des facteurs d’élevage et des conditions d’abattage, associée à des écarts de caractéristiques de carcasse, des différences significatives de qualité ont été mises en évidence entre une finition à l’herbe et une finition aux concentrés. Chez les bœufs de race Maraîchine, la bavette de flanchet est ainsi en moyenne, par rapport aux autres races à viande, plus riche en « bons » acides gras (AGPI) et moins riche en « mauvais » (AGS). Le régime de finition à l’herbe conduit à des viandes plus maigres, une diminution des acides gras athérogènes pouvant provoquer des maladies cardiovasculaires et une augmentation des AGPI indispensables à l’Homme. Les défenses antioxydantes endogènes (enzymes antioxydantes) sont parfois plus élevées que celles rapportées dans les races à viande, la finition à l’herbe ayant renforcé surtout les défenses antioxydantes exogènes (vitamine E). Ainsi, malgré une teneur des viandes en acides gras très oxydables (AGPI) élevée, il y a peu de risques d’oxydation incontrôlée qui pourrait être délétère au cours de la cuisson et par conséquent sur la santé humaine. La finition à l’herbe à impacté cependant défavorablement les notes de tendreté mais augmenté en revanche la jutosité globale. Ces résultats sont parfaitement en accord avec les conclusions des auteurs du rapport de l’expertise scientifique sur la qualité des aliments d’origine animale de 2020 (Prache et al., 2020; Clinquart et al., 2022). Ces derniers rapportaient que la finition à l’herbe aboutissait à une viande plus maigre avec une plus grande proportion d’acide gras oméga 3, une stabilité oxydative supérieure et une couleur plus foncée. Ces résultats mettent aussi en évidence que l’alimentation des Maraichines à partir des prairies du littoral atlantique produit des effets similaires sur la qualité de la viande à ceux observés sur les prairies d’autres régions. Même si les conformations des animaux de cette race locale sont moins satisfaisantes que celles des races à viande majeures, leurs viandes présentent des qualités intrinsèques qui ne les déprécient pas. Au-delà de produire des viandes intéressantes en termes gustatif et de propriétés santé, l’élevage des Maraichines présente d’autres atouts. Il permet de valoriser un territoire et de répondre aux enjeux de l’agroécologie d’aujourd’hui, rejoignant en cela l’idée de vaches multifonctionnelles à haute qualité territoriale développée par Michaud (2003).
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