
INTRODUCTION
I. AGROECOLOGIE VS AGRICULTURE/ELEVAGE "INTENSIFS"
Dans les années 2010, plusieurs chercheurs en sciences animales ont travaillé à l’élargissement de la définition de l’agroécologie "scientifique" aux productions animales. Par exemple, Thomas et al. (2014) ont proposé pour l’élevage cinq principes agroécologiques analogues à ceux de M Altieri (Figure 1). Parmi ces principes, trois font particulièrement écho aux enjeux du changement climatique : "Réduire les pollutions en bouclant les cycles" et "Baisser les intrants en utilisant les processus écologiques" permettent d’atténuer les impacts de l’élevage sur le changement climatique en réduisant l’empreinte écologique de ces activités ; ils permettent également de rendre les élevages plus autonomes et donc moins vulnérables à des aléas externes. "Utiliser la diversité pour accroître la résilience" permet de réduire la sensibilité à des aléas externes via la diversification des activités et des composantes biologiques, et la valorisation de complémentarités au sein de cette diversité. Ces principes, qui peuvent être vus comme des logiques d’actions ou des objectifs à privilégier, nécessitent d’être traduits en pratiques à l’échelle d’une exploitation, en fonction des conditions locales (Figure 1).
Figure 1 : La mise en œuvre de l’agroécologie suppose d’en décliner les principes (ici les cinq principes de Dumont et al. (2013) représentés sous la forme d’une marguerite) en pratiques adaptées au contexte local.
La trajectoire d’évolution des systèmes de production agricole depuis la moitié du XIXème siècle a conduit à une dissociation entre cultures et élevage, menant – entre autres - à des surplus azotés et à des stocks de phosphore dans les sols (Le Noë et al., 2019 ; Aubron, 2021). Aujourd’hui, il existe des déséquilibres au sein des territoires entre la disponibilité de ressources végétales pour l’alimentation du bétail d’une part, et la consommation par les élevages d’autre part. C’est le cas notamment en France, à l’échelle des petites régions agricoles (Jouven et al., 2018 ; Figure 4) : la Bretagne est très peu autonome en aliments du bétail ; les montagnes présentent une ressource pastorale importante, mais peu d’exploitations y sont établies ; les moyennes montagnes et zones herbagères importent des aliments concentrés, alors que d’autres zones en ont en excès. Bien que cette étude soit basée sur des hypothèses simplificatrices en termes d’usages des productions végétales locales, elle met en évidence des déséquilibres à l’origine de transactions et transports d’aliments du bétail, parfois sur de très longues distances, avec des conséquences négatives, à la fois économiques et environnementales.
Figure 4 : Equilibres entre productions animales et végétales en France métropolitaine
(source : Jouven et al., (2018), d’après données de la statistique agricole annuelle 2010-2011-2012, associées à des données d’instituts techniques et de l’agro-industrie). Dans les zones présentant à la fois des productions animales et végétales, l’équilibre reste théorique car l’intégration entre agriculture et élevage n’est pas forcément effective à ce jour, et des flux d’aliments entre régions agricoles sont fréquents. Dans certaines zones, la polyculture-élevage est encore pratiquée, voire se développe (Hirschler et al., 2019).
L’adaptation des formes d’élevage et des objectifs de production aux ressources locales permettrait d’éviter le recours systématique à des achats d’aliments. Ceci supposerait de revenir sur l’ultra-spécialisation (élevage ou bien cultures) de certaines régions, en réduisant la productivité par animal et par hectare mais en augmentant l’autonomie des systèmes. Dans les régions orientées vers les productions végétales, le développement de l’élevage est une piste intéressante prise en considération par les agriculteurs (Barbieri et al., 2022), en particulier dans un contexte de réduction des intrants et de diversification des rotations culturales. La mobilité des troupeaux peut également représenter une solution intéressante (Vigan et al., 2017). Par exemple, la transhumance traditionnellement pratiquée en hiver vers les zones méditerranéennes et en été vers la montagne permet de valoriser une ressource alimentaire éloignée et saisonnée. Cependant, lorsque la mobilité des troupeaux est réalisée en camion, l’optimisation des déplacements des troupeaux est à rechercher, ce qui renvoie une fois de plus à l’organisation entre acteurs.
Mieux répartir la diversité des activités d’élevage dans l’espace, en fonction des ressources localement disponibles, est un moyen de limiter l’impact du changement climatique sur l’élevage en diversifiant les ressources et en s’affranchissant en partie des aléas des marchés. Ceci pourrait également contribuer à réduire l’impact de l’élevage sur le changement climatique en limitant les consommations d’énergie pour la fabrication et le transport d’aliments, si toutefois les consommations d’énergie pour le transport du bétail restent modérées.
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