
L’emballage des denrées alimentaires ne se limite plus à ses fonctions traditionnelles de prévention des risques intrinsèques et extrinsèques, de conditionnement et stabilisation du produit et de communication des informations légales. Diminuer le gaspillage alimentaire grâce à une meilleure gestion des dates de péremption et des quantités emballées, limiter la pollution environnementale grâce à des matériaux recyclables ou biodégradables, éviter le suremballage tout en assurant la sécurité et la qualité des produits sont autant d’enjeux sociétaux et de défis à relever par le secteur de l’emballage.
En outre, les innovations doivent être techniquement faisables, mais également économiquement acceptables, le coût étant en partie répercuté sur le prix final des denrées commercialisées qui constitue le premier critère d’achat des produits alimentaires par les consommateurs (Gouin, 2014). Enfin, l’emballage de la viande bovine doit répondre à des problématiques spécifiques. Il doit :
- permettre une maitrise sanitaire délicate relative à la conservation de viandes maturées et à la demande croissante de viandes hachées et de produits élaborés (Sans et Legrand, 2018),
- répondre à la diversité et à l’hétérogénéité des produits,
- limiter l’oxydation des lipides et des protéines,
- et assurer le maintien de la couleur.
A la lumière des revues scientifiques faisant état du développement de nouvelles technologies d’emballage des viandes et produits carnés (Fang et al., 2017 ; Realini et Begonya, 2014 ; Kerry, O’Grady, et Hogan, 2006 ; Coma, 2008 ; Dobrucka et Cierpiszewski, 2014), cet article dresse un état des lieux des technologies existantes et présente certaines pistes de recherches actuelles. Nous nous limiterons ici à deux exemples de fonctionnalités apportées aux emballages : la fonction de stabilisation des denrées alimentaires, assurée par les emballages dits actifs ; Et la fonction de communication avec les utilisateurs, assurée par les emballages dits intelligents.
II.1 Définition
L'emballage actif est un emballage destiné à prolonger la durée de conservation ou à maintenir ou améliorer l’état des denrées alimentaires emballées. Il est conçu de façon à intégrer délibérément des constituants qui libèrent ou absorbent des substances dans les denrées alimentaires emballées ou dans leur environnement (Règlement (ce) n°450/2009 de la Commission Européenne du 29 mai 2009).
Les emballages actifs ont été développés en réponse à l’évolution de la société et du marché, afin d’allonger la durée de vie, de maintenir et/ou d’améliorer l’état des denrées alimentaires emballées. Ils permettent au produit et à son environnement d’interagir, tout en assurant la stabilité et la sécurité du produit, grâce à l’introduction d’un ou plusieurs composants actifs (Fang et al., 2017 ; Realini et Marcos, 2014; Règlement (ce) n°450/2009 de la Commission Européenne du 29 mai 2009). Le concept d'emballage actif et son implication dans les nanotechnologies est détaillé en Figure 1. La Figure 2 illustre, quant-à-elle, le cas spécifique de l’utilisation d’emballages actifs à base de bio nano-composites polymères.
Nous nous intéresserons ici aux emballages actifs antimicrobiens, antioxydants, ainsi qu’aux emballages permettant de conserver la couleur de la viande bovine. Nous développerons particulièrement les alternatives « naturelles » qui constituent une réponse intéressante aux enjeux actuels du développement durable. Ces enjeux intègrent la préservation de l’environnement et des ressources naturelles ainsi que l’équité sociale et économique.
Figure 1 : Le concept d'emballage actif et son implication dans les nanotechnologies
(adapté de Mihindukulasuriya et Lim, 2014)
Figure 2 : Les emballages alimentaires à base de bio nano-composites polymères : avantages substantiels en matière de protection des aliments (par exemple, vis à vis de la lumière UV et des microbes)
(adapté de Moustafa et al., 2019)
II.2. Les emballages actifs antimicrobiens : absorbeurs de liquides, capteurs ou émetteurs de gaz
La maitrise de la contamination microbiologique des viandes et produits carnés est un enjeu majeur de la filière. En effet, le muscle constitue un excellent milieu de développement pour les germes d’altération, responsables de la détérioration des propriétés organoleptiques de la viande (couleur, odeur, flaveur…) et de la diminution de sa durée de conservation (Fang et al., 2017). Des bactéries pathogènes peuvent aussi se développer, compromettant la sécurité sanitaire des produits.
Le rôle de l’emballage actif antimicrobien est donc de mieux contrôler le développement de ces micro-organismes en maitrisant l’environnement du produit, pour :
- assurer la sécurité des consommateurs
- préserver plus longtemps les propriétés organoleptiques des produits,
- mais aussi allonger la date limite de consommation (Kerry, O’Grady, et Hogan, 2006).
Les emballages actifs antimicrobiens peuvent être actifs de plusieurs manières, selon leur situation dans l’emballage (Coma, 2008 ; Cooksey, 2001 ; Fang et al., 2017).
1) Par incorporation d’un sachet contenant des substances antimicrobiennes dans l’emballage.
Les substances ne sont pas en contact direct avec le produit. Elles sont libérées par diffusion au cours du temps. Dans la plupart des cas, l’action antimicrobienne est permise par des capteurs d’oxygène, des émetteurs de dioxyde de carbone ou de dioxyde de chlore (Coma, 2008). Différentes revues de la littérature font le point sur ces capteurs d’oxygène, dont l’utilisation en industrie est relativement ancienne (Kerry, O’Grady, et Hogan, 2006 ; Vermeiren et al., 1999). Le sachet peut également contenir des substances antimicrobiennes destinées à être en contact avec des denrées alimentaires et qui sont par conséquent soumises au règlement UE n°10/2011 de la Commission du 14 janvier 2011 (Commission Européenne, 2011), bien qu’à notre connaissance aucun exemple ne puisse être donné.
2) Par incorporation directe de la substance active dans le film d’emballage.
Récemment, des projets et brevets ont fait état de l’intérêt de plusieurs extraits de plantes et huiles essentielles comme substances actives antimicrobiennes, sans que les mécanismes soient totalement expliqués. L’huile essentielle de clou de girofle, de cannelle et d'illicium verum (Zhang et al., 2019), ou encore l’huile essentielle de pelures de mangue (Yuan et al., 2018) en font partie. Un emballage antimicrobien à base de carvacrol ou de thymol, contenus respectivement dans l’origan et le thym a récemment été développé en enduisant le film plastique conventionnel d’un chitosan contenant les molécules actives (Debeaufort et Kurek, 2017). Le chitosan ayant un effet antimicrobien intrinsèque (Aminzare et al., 2016), son association avec les substances actives permet de tirer des bénéfices cumulés. Toutefois, ce type d’associations reste complexe à mettre en application. Parmi ces substances, les huiles essentielles à base d'origan, de romarin, de thym, de clou de girofle, de mélisse, de gingembre, de coriandre et de marjolaine présentent les effets antimicrobiens les plus intéressants sur la viande et les produits carnés. L’origine précise des propriétés antimicrobiennes des extraits de plantes et des huiles essentielles n’est pas encore totalement expliquée. Récemment, des travaux ont été conduits sur l’incorporation d'huile essentielle d'origan et de resvératrol en nanoémulsion dans de la pectine servant ainsi d’enrobage comestible de viande de porc fraîche, le tout étant placé sous atmosphère modifiée à haute teneur en oxygène (Xiong et al., 2020). Les résultats ont montré que l'enrobage par incorporation d'huile essentielle d’origan et de resveratrol prolongeait significativement la durée de conservation de la viande de porc en minimisant le pH et le changement de couleur, en retardant l'oxydation des lipides et des protéines, et en inhibant la croissance microbienne.
3) Par revêtement de la surface de l’emballage
Un revêtement peut être réalisé avec une matrice vectrice d’agents antimicrobiens, qui prend effet par évaporation (substance volatile) ou par contact direct (substance non volatile).
L'incorporation de différents nanomatériaux dans des polymères d'origine biologique peut améliorer les diverses propriétés des matériaux d'emballage en renforçant l'activité antimicrobienne et en prévenant ainsi le développement des agents pathogènes d'origine alimentaire et des organismes d’altération.
Les principaux nanomatériaux utilisés sont :
- le chitosane,
- la fécule de pomme de terre,
- la carboxyméthylcellulose (CMC),
- l'amidon de maïs
- la gomme arabique.
L’incorporation de ces nanomatériaux entraîne une amélioration notable des propriétés des matériaux d'origine biologique en tant que matériaux d'emballage alimentaire.
II.3. Les emballages actifs antioxydants
Au-delà du risque de développement des microorganismes aérobies en présence d’oxygène, le contact des viandes avec l’oxygène gazeux favorise l’oxydation des lipides (provoquant le rancissement de la viande et produisant des aldéhydes indésirables), les pertes nutritionnelles et le développement d’odeurs et de flaveurs indésirables. Les oxydations du pigment musculaire sont également préoccupantes au plan commercial, dans la mesure où elles peuvent être à l’origine d’altérations de la couleur (couleur brune des viande). En outre, une suroxygénation provoque également une limitation de la maturation et de ses effets bénéfiques sur la tendreté, par la création de conglomérats protéiques.
Afin de répondre à une demande sociétale orientée sur une production alimentaire plus naturelle et répondant aux enjeux du développement durable (Vermeiren et al., 1999), des alternatives aux capteurs d’oxygènes, aux emballages sous atmosphère modifiée (emballages non « actifs »), aux composés actifs synthétiques habituellement utilisés tels que l’hydroxyanisole butyle (BHA), l’hydroxytoluene butyle (BHT), le terbutilhydroquinone (TBHQ) et le propyl galate (PG) ont été développées ces dernières années.
Les antioxydants naturels végétaux les plus courants sont la vitamine E, les huiles essentielles et extraits de plantes telles que le romarin, l'origan et thé, ou encore la sauge et les piments. Afin de bénéficier de l’effet synergique observé entre certains antioxydants, la tendance actuelle consiste à associer ces composés naturels à des bio-polymères (Fang et al., 2017). Par exemple, McBride et al. (2007) ont montré que l’ajout d’extraits de romarin dans des conditionnements sous atmosphère modifiée réduisait au minimum de moitié l’oxydation lipidique, voire davantage dans le cas d’une association avec la vitamine E. De même, Wu et al. (2010) ont mis en évidence sur la viande l’efficacité antioxydante (dose minimale de 500 ppm) mais aussi antimicrobienne (1000 ppm) de l’association entre la catéchine du thé vert et un film d’amidon biodégradable en alcool polyvinylique (PVA). Toutefois, certains auteurs relèvent une possible altération de l’odeur et de la flaveur de la viande dans les cas d’utilisation de ces extraits naturels de plante, toute altération étant rédhibitoire pour la commercialisation du produit. Cette problématique, souvent mise en évidence malgré les faibles doses administrées (Fang et al., 2017), constitue un enjeu important pour les concepteurs d’emballages de viande fraiche. Elle est en revanche peu marquée dans le cas des produits élaborés à base de viande, tels que les brochettes, viandes hachées assaisonnées et autres produits saumurés. En effet, l’origan, le romarin, les piments ou encore le thé peuvent être utilisés comme aromates et épices lors de la préparation de ces produits. Les propriétés antioxydantes et/ou antimicrobiennes de ces extraits de plantes pourraient alors allonger la durée de conservation des produits élaborés, tout en contribuant à l’élaboration de saveurs originales de plus en plus populaires. Cependant, la plupart des huiles essentielles possède une forte odeur ce qui constitue un obstacle conséquent à leur utilisation dans les conditionnements de viandes fraîches. Il est donc très important de déterminer la concentration d'huile essentielle à utiliser sans modifier les caractéristiques organoleptiques de la viande (Shen et Kamdem, 2015).
II.4. Les nouveaux gaz d’emballages actifs permettant de conserver la couleur de la viande bovine : exemple de l’atmosphère modifiée avec le CO
La couleur de la viande constitue un critère d’achat important pour le consommateur. La couleur rouge est conférée à la viande bovine par la myoglobine qui pigmente la viande. En France, le consommateur recherche majoritairement une couleur rouge vif, qui résulte de l’oxygénation de la myoglobine. Toutefois, avec le temps, le rouge vif laisse la place à une couleur plus brune, provoquée par l’oxydation de la myoglobine en metmyoglobine (Figure 3).
Figure 3 : Les trois formes chimiques de la myoglobine
Adapté de Simpson et al., (2012)
Depuis plusieurs années, plus des trois quarts des achats de viande bovine est réalisée en GMS, où la viande fraîche est généralement exposée en barquette couverte d’un film transparent, éclairée par des tubes fluorescents. L’enjeu pour les professionnels de la viande est alors de garantir la couleur rouge vif attendue par le consommateur, tout en assurant la sécurité sanitaire des produits ainsi que leurs qualités organoleptiques à la dégustation (tendreté, goût, jutosité). Il s’agit alors de trouver des alternatives aux emballages contenant du dioxygène, garantissant la couleur rouge vif de la viande bovine tout en limitant le développement des microorganismes aérobies.
Dans cette optique, l’utilisation de monoxyde de carbone (CO) semble intéressante. En effet, l’affinité du fer de la myoglobine pour le CO est 40 fois supérieure que pour l’O2. En présence de monoxyde d’azote, il se forme de de la carboxymyoglobine. Ce procédé permet de conserver la couleur rouge vif voire rouge cerise de la viande tout en limitant l’oxydation et le développement microbien (Luño et al., 2000), mais ce dernier point fait débat.
L’utilisation commerciale du monoxyde de carbone dans le monde est cependant très limitée car l’inhalation de ce gaz est toxique pour l’Homme. Même si les quantités utilisées sont minimes et le risque négligeable, son utilisation dans des emballages sous atmosphère modifiée reste limitée. L’emploi du CO pour les viandes n’est pas autorisé par l’Union européenne. Bien que le CO soit toxique, ce n’est pas la raison principale expliquant l’interdiction de ce gaz en agroalimentaire en Europe. La consommation de viande conditionnée sous atmosphère modifiée contenant du monoxyde de carbone contribue très faiblement à l’exposition de l’organisme à ce gaz. Le risque majeur expliquant l’interdiction de cette pratique en Europe est dû au fait que la couleur de la viande fraîche soit maintenue sur une longue période, pouvant alors masquer une altération microbienne du produit (Legrand et al., 2010a ; Legrand et al., 2010b).
III.1. Définition
Selon l’article 3 du règlement (ce) n°450/2009 de la commission du 29 mai 2009, les « matériaux et objets intelligents contrôlent l’état des denrées alimentaires emballées ou leur environnement » (Commission Européenne 2009). Les emballages intelligents ont ainsi majoritairement pour fonction de capter, mesurer, suivre la qualité du produit ou de son environnement, et communiquer cette information au consommateur ou au professionnel (Fang et al., 2017 ; Vermeiren. et al., 1999 ; Yam, Takhistov, et Miltz, 2005). L’usage d’emballages intelligents assure ainsi la détection précoce et précise d’un problème de qualité de produit, et permet une meilleure gestion de sa consommation. Il s’avère également être une piste pertinente pour la réduction du gaspillage alimentaire avant même l’ouverture de l’emballage. Commercialement, un système d'emballage intelligent contient des étiquettes capables de recueillir, stocker et transmettre des informations sur les fonctions et propriétés des aliments emballés. Nous nous intéresserons ici uniquement aux indicateurs de qualité de la viande bovine emballée et de son environnement : indicateur de temps-température, environnement gazeux et présence de bactéries d’altération et pathogènes. Nous développerons également les innovations en matière de technologies support de données.
III.2. Mesurer et communiquer la qualité d’un produit et de son environnement : les indicateurs de qualité
III.2.1. Les indicateurs temps-température
La température optimale de conservation de la viande se situe entre 0 et +4°C (voir légèrement en deçà) pour la viande fraîche, et en dessous de -20°C pour les viandes congelées et surgelées. Des variations de la température de réfrigération favorisent le développement et la prolifération des micro-organismes et diminuent la durée de conservation, voire compromettent la sécurité sanitaire des produits. La température est donc un facteur majeur à surveiller lors des processus de transformation, transport et stockage des viandes quelles que soient leur stade de transformation.
Les indicateurs temps-température sont collés à l’emballage. Il en existe trois types dans le commerce :
- les indicateurs de température critique (seuil de température à ne pas franchir),
- les indicateurs historiques partiels (seuil de durée de maintien du produit à une température non appropriée),
- les indicateurs historiques complets (inventaire de l’intégralité des variations de temps-température) (Fang et al., 2017).
Ces indicateurs de temps-température répondent tous de manière irréversible à une augmentation de température, les réponses pouvant être liées à un processus mécanique, chimique, électrochimique, microbiologique ou enzymatique (Müller et Schmid, 2019 ; Realini et Marcos, 2014 ; O’Grady et Kerry, 2008). Ces indicateurs présentent l’avantage d’être petits, peu coûteux, facilement utilisables et facilement lisibles puisque la lecture se fait généralement par un code couleur (Figure 4). Par exemple, Mataragas et al. (2019) ont récemment développé en laboratoire un indicateur basé sur la production d’un pigment de couleur violette (la violacéine) produit par Janthinobacterium sp, et dont l’intensité varie avec la température et la durée de contact. Son efficacité a été validée sur de la viande hachée de bœuf.
Figure 4 : Exemple d’indicateurs temps-température colorés
Fresh Check de Temptime
III.2.2. Les indicateurs gazeux
Sur le même principe que les indicateurs temps-température, des indicateurs de composition gazeuse peuvent être inclus sous forme d'étiquettes ou imprimés sur les films d'emballage afin de détecter les éventuelles variations d’atmosphères gazeuses susceptibles de s’opérer en cas de développements microbiens sur la viande ou lors du processus d’oxydation des lipides. Ces indicateurs reposent sur des colorants pH, RedOx ou des enzymes qui présentent cependant le risque d’altérer la qualité de la viande en cas de contact. Ils renseignent sur la qualité de l’atmosphère interne à l’emballage, et permettent de conclure à une éventuelle contamination microbienne ou à une fuite dans l’emballage. Ces indicateurs sont particulièrement utiles et utilisés pour les viandes conditionnées sous atmosphère modifiée (Mohebi et Marquez 2015).
Les indicateurs gazeux les plus employés mesurent les variations de dioxygène et de dioxyde de carbone, mais également les variations de vapeur d'eau, d'éthanol ou encore de sulfure d'hydrogène.
III.2.3. Les indicateurs de présence de pathogènes ou de développement de bactéries altérantes
La détection de la présence de micro-organismes pathogènes peut s’opérer de manière directe (biocapteurs) ou indirecte (indicateurs de fraîcheur).
a. Les indicateurs de présence de pathogènes : les biocapteurs
Les biocapteurs détectent, stockent et transmettent des informations concernant des réactions biochimiques des pathogènes. Ils se composent :
- d'un biorécepteur (matières organiques ou biologiques tels qu’une enzyme, un antigène, un microbe, une hormone ou un acide nucléique) qui reconnaît un constituant chimique identifié.
- d’un transducteur électrochimique, optique ou calorimétrique, qui convertit les signaux biochimiques en une réponse électrique quantifiable.
Lorsque la couleur du biocapteur placé dans l’emballage est modifiée, la denrée n’est plus consommable.
Un biocapteur idéal doit être petit, sensible, précis, tout en étant économique, facile à concevoir, à utiliser et à interpréter. Il existe à l’heure actuelle différents biocapteurs d’anticorps ou de toxine utilisés en viande bovine. Les composés détectés sont produits notamment pour E. coli O157:H7, Salmonella sp, L. monocytogenes, Campylobacter sp et Listeria sp (voir les détails dans les publications de Realini et Marcos, 2014 ; et Fang et al., 2017).
A titre d’exemple, une étiquette code-barres à biocapteurs développée par SIRA technologies a récemment été développée. Intégrant un anticorps spécifique à des bactéries pathogènes, le capteur de la technologie Food Sentinel Systems® est inséré sur un film recouvrant le code-barres. En cas de contamination, de nouvelles barres noires s’ajoutent au code-barres initial, le rendant illisible et indiquant ainsi à l’utilisateur la présence de pathogènes (Guillaume et al., 2017 ; Müller et Schmid, 2019).
b. Les indicateurs de fraîcheur
Un indicateur de fraîcheur qui détecte la présence de métabolites issus de la croissance microbienne est contenu dans l'emballage. Il caractérise ainsi la qualité des produits emballés. Les principales technologies développées sont présentées dans le Tableau 1.
Tableau 1. Différents types de capteurs mis en œuvre pour détecter les métabolites issus de la croissance microbienne
(Müller et Schmid, 2019)
Métabolites détectés | Types de capteurs mis en œuvre |
Glucose/acide lactique | Capteur électrochimique par réaction RedOx |
Dioxyde de carbone | Capteur électrochimique basé sur des polymères contenant du silicium |
Oxygène | Capteur électrochimique, laser |
Amines biogènes | Capteur électrochimique par réaction enzymatique RedOx |
III.3. Les emballages supports de données et de traçabilitéParmi les indicateurs de fraîcheur récemment développés, nous pouvons citer :
- l’étiquette à double capteur développée par Kuswandi et Nurfawaidi (2017) réagit à la présence d’amines biogènes, par un changement de couleur de deux indicateurs de pH : le violet de bromocrésol (passant de jaune à violet), et le rouge de méthyl (passant de rouge à jaune)
- l’étiquette à base de papier de tournesol réagissant à la présence d’amine (passant de rouge à bleu) qui renseigne sur le développement de la flore bactérienne (Kuswandi et al. 2015).
Les emballages supports de données contribuent à rendre le flux d'informations au sein de la chaîne d'approvisionnement plus efficace en garantissant la traçabilité, l’automatisation, la protection contre le vol ou encore contre la contrefaçon.
III.3.1. Les étiquettes à code-barres
Un code barre est un symbole associé à un produit particulier qui est lisible par une machine optique. Si le premier code-barres a été développé dans les années 1970 pour assurer la gestion des stocks et des inventaires, d’autres types de codes-barres, intégrant d’autres types d’information en ensuite été développés (Fang et al. 2017). Ainsi, avec la démocratisation des block-chains de nombreuses informations sont susceptibles d’être intégrées aux codes-barres, notamment la traçabilité complète du produit (éleveur, abatteur, transformateur, distributeur, numéro de lot, tare de l’emballage) ou encore le lien vers des sites internet de conseil de préparation ou d’idées recettes accessibles avec le smartphone (Müller et Schmid, 2019).
Leur facilité d’usage fait queles codes-barres sont des outils massivement utilisés dans la filière viande, et dont l’évolution est encore en cours.
III.3.2. Les étiquettes RFID
Les code-barres ayant des capacités de stockage d’information limitées, les étiquettes d'identification par radiofréquence ou étiquettes RFID (Radio Frequency Identification) semblent être une voie d’amélioration prometteuse dans la filière viande.
Ces étiquettes sont constituées d’une antenne (pour l’émission et la réception des ondes), d’une puce contenant les données (en mode lecture ou en mode lecture/écriture), et d’un code produit électronique (EPC) enregistré dans la puce. A l’instar du code barre, cet EPC permet de tracer et d’identifier automatiquement le produit (Mohebi et Marquez, 2015). Cette technologie facilite ainsi grandement la gestion des lots et des stocks et la logistique de manière générale. Elle participe donc à la réduction du gaspillage alimentaire. En agro-alimentaire, les étiquettes utilisées sont généralement des étiquettes RFID passives, sans batterie et télé-alimentées par un lecteur qui permet d’émettre ou de recevoir des ondes électromagnétiques (Figure 5).
La diffusion de ces étiquettes reste encore limitée à l’heure actuelle. De nombreuses recherches sont actuellement en cours, notamment sur la possibilité d’associer des étiquettes RFID intelligentes avec des capteurs et indicateurs de qualité de la viande. Parmi ces derniers, on peut citer, les indicateurs temps-température, les molécules pétrochimiques et/ou d’oxydes de métaux ou encore les biomolécules détectant la présence d’acide lactique et d’ammoniac (Guillaume et al., 2017).
Dans la filière viande, l’utilisation d’étiquettes RFID peut cependant trouver ses limites en raison de leur sensibilité à l’humidité. Ainsi, si sur des produits congelés, l’utilisation de capteurs-RFID temps-température s’avère utile et utilisable, mais sur des pièces de bœuf fraîches emballés sous vide, où l’exsudat est parfois abondant, le signal peut être modifié voire perdu en raison d’une absorption des micro-ondes par les molécules d’eau (Mohebi et Marquez, 2015).
Figure 5 : Principe de communication RFID avec une radio-étiquette passive
(« Radio-identification » 2019)
VI. CONCLUSION
Les matériaux et objets actifs sont destinés à prolonger la durée de conservation, à maintenir ou à améliorer l'état des denrées alimentaires emballées. Encadrés par les règlements CE n°450/20091 et 1935/20042, ils sont conçus pour incorporer délibérément des composants qui libéreraient ou absorberaient des substances dans ou à partir des denrées alimentaires emballées ou de l'environnement entourant les denrées alimentaires. La ou les substances responsables de la fonction active et/ou intelligente du matériau d’emballage doivent être incluses dans une liste positive après évaluation de la sécurité par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Malgré ces contraintes règlementaires, les emballages actifs et intelligents semblent être une solution durable pour répondre aux enjeux sociétaux, environnementaux et économiques actuels. Redlingshöfer et al (2017), estimaient les retraits à la distribution, à travers des bilans globaux en valeur, de l’ordre de 5 à 6% pour le rayon viandes. De nombreuses solutions concrètes sont envisageables pour relever les défis actuels :
- l’utilisation de substances « multi-actives » (antimicrobiennes, antioxydantes et n’altérant pas les propriétés organoleptiques) dans les emballages de viande bovine,
- la valorisation des effets synergiques par la combinaison de plusieurs substances,
- l’association avec des indicateurs intelligents de l’évolution de la qualité de la viande bovine,
- l’intégration dans des supports de données.
Toutefois, de nombreuses études sont encore à mener afin d’optimiser les technologies.
Références bibliographiques :
Aminzare M., Hashemi M., Hassanzadazar H., Hejazi J. (2016). The Use of Herbal Extracts and Essential Oils as a Potential Antimicrobial in Meat and Meat Products; A Review. Journal of Human Environment and Health Promotion, 1, 2, 63 74.
Coma V. (2008). Bioactive Packaging Technologies for Extended Shelf Life of Meat-Based Products. Meat Science, 78, 1-2, 90-103.
Commission Européenne (2009). Règlement (CE) no 450/2009 de la Commission du 29 mai 2009 concernant les matériaux et objets actifs et intelligents destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires.
Commission Européenne. 2011. Règlement (UE) no 10/2011 de la Commission du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires.
Cooksey K. (2001). Antimicrobial Food Packaging Materials. Additives for Polymers, 8, 6–10.
Debeaufort F., Kurek M., (2017). Le projet EMAC : un emballage actif antimicrobien et durable. CIAG INRA, 8 juin 2017. Disponible sur : https://www6.inrae.fr/ciag/content/download/6134/45560/file/CIAG41-2-Debeaufort.pdf
Dobrucka R., Cierpiszewski R., (2014). Active and Intelligent Packaging Food - Research and Development – A Review. Polish Journal of Food and Nutrition Sciences, 64, 1, 7-15.
Fang Z., Zhao Y., Warner R.D., Johnson S.K. (2017). Active and Intelligent Packaging in Meat Industry. Trends in Food Science & Technology, 61, 60-71.
Gouin S. (2014). Qualité Des Produits Carnés : Quelle Démarche Marketing Pour Créer de La Valeur Ajoutée ? Viandes et Produits Carnés, 30, 6, 8.
Guillaume C., Sorli B., Guillard V., Gontard N., (2017). Emballage intelligent et RFID. Innovations Agronomiques, 58, 21-30.
Kerry J.P., O’Grady M.N., Hogan S.A., (2006). Past Current and Potential Utilization of Active and Intelligent Packaging Systems for Meat and Muscle-Based Products: A Review. Meat Science, 74, 1, 113-130.
Kuswandi B., Damayanti F., Abdullah A., Heng L.Y., (2015). Simple and Low-Cost On-Package Sticker Sensor Based on Litmus Paper for Real-Time Monitoring of Beef Freshness. Journal of Mathematical and Fundamental Sciences, 47, 3, 236-251.
Kuswandi B., Nurfawaidi A., (2017). On-Package Dual Sensors Label Based on PH Indicators for Real-Time Monitoring of Beef Freshness. Food Control, 82, 91-100.
Legrand I., Recoules E., Denoyelle C., Tribot Laspière P., ( 2010a). Use of carbon monoxide in beef packaging atmospheres. 56th ICoMST, 15-20/08/2010 Jeju Corée du Sud Session E, E076, 4p.
Legrand I., Recoules E., (2010b). Emploi du monoxyde de carbone pour le conditionnement d’UVC de bœuf sous atmosphère. 13e JSMTV, 19-20/10/2010 Clermont-Ferrand, 107-108.
Luño M., Roncalés P., Djenane D., Beltrán J.A., (2000). Beef Shelf Life in Low O2 and High CO2 Atmospheres Containing Different Low CO Concentrations. Meat Science, 55, 4, 413-419.
Mataragas M., Bikouli V., Korre M., Aikaterini-Aithra S., Panagiotis S., (2019). Development of a microbial Time Temperature Indicator for monitoring the shelf life of meat. Innovative Food Science & Emerging Technologies, 52, 89-99.
McBride N.T.M., Hogan S.A., Kerry J.P., (2007). Comparative Addition of Rosemary Extract and Additives on Sensory and Antioxidant Properties of Retail Packaged Beef. International Journal of Food Science & Technology, 42, 10, 1201-1207.
Mihindukulasuriya S.D.F., Lim L.T., (2014). Nanotechnology development in food packaging: A review. Trends in Food Science & Technology, 40, 149–167.
Mohebi E., Marquez L., (2015). Intelligent Packaging in Meat Industry: An Overview of Existing Solutions. Journal of Food Science and Technology, 52, 7, 3947-3964.
Moustafa H., Youssef A.M., Darwish N.A., Abou-Kandil A.I., (2019). Eco-friendly polymer composites for green packaging: Future vision and challenges. Composites Part B: Engineering, 172, 16-25.
Müller P., Schmid M., (2019). Intelligent Packaging in the Food Sector: A Brief Overview. Foods, 8, 1, 16, 12p.
O’Grady M.N., Kerry J.P., (2008). Smart Packaging Technologies and Their Application in Conventional Meat Packaging Systems. Meat Biotechnology, 19, 423-462.
Radio-identification. 2019. In Wikipedia. https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Radio-identification&oldid=164215147.
Realini C.E., Begonya M., (2014). Active and Intelligent Packaging Systems for a Modern Society. Meat Science, 98, 3, 404-419.
Shen Z., Kamdem D.P., (2015). Development and characterization of biodegradable chitosan films containing two essential oils. International journal of biological macromolecules, 74, 289–296.
Simpson B.K., Rui X., Klomklao S., (2012). Enzymes in Food Processing. In Food Biochemistry and Food Processing 2nd ed.; Simpson B.K. Ed.; Wiley-Blackwell: Oxford UK 2012; pp. 181–206.
Vermeiren L., Devlieghere F., Beest M., van Kruijf N., de Debevere J., Centraal Instituut voor Voedingsonderzoek TNO. (1999). Trends inf Food Science And technology, 3, 10, 77-86.
Xiong Y., Li S., Warner R., Fan Z., (2020). Effect of oregano essential oil and resveratrol nanoemulsion loaded pectin edible coating on the preservation of pork loin in modified atmosphere packaging. Food Control, 114, 107226.
Wu J.G., Wang P.J., Chen S.C., (2010). Antioxidant and antimicrobial effectiveness of catechin-impregnated pva-starch film on red meat: active packaging antioxidant antimicrobial catechin. Journal of Food Quality, 33, 6, 780-801.
Yam K. L., Takhistov P.T., Miltz J., (2005). Intelligent Packaging: Concepts and Applications. Journal of Food Science, 70, 1, R1-10.
Yuan C., Wang Y., Lu B., Cui B., Liu P., Zhao H., Wu Z., (2018). Preparation method of composite active packaging film for fresh-keeping of meat products. CN108822458 (A) issued 16 November 2018.
Zhang M., Feng L., Xu H., Zhang W., (2019). Method for preserving and conditioning beef by combining composite essential oil and modified atmosphere packaging. United States Patent, 10, 165, 784 B2.
Aucun événement |
Pour Accéder au site V&PC depuis votre smartphone,
veuillez scanner ce flashcode.